Les sondages d’intention de vote sans élections sont devenus monnaie courante [1]. Les sondages d’intention de vote sans abstention également. Les professionnels arguent de la difficulté de l’évaluer pour justifier ce défaut. Pourtant, les élections réelles ne connaissent pas 100% de participation. Sauf les élections unanimistes des pays totalitaires. C’est d’autant plus erroné que les sondages sont effectués des mois voire des années avant les échéances électorales, quand « le cœur n’y est pas » (ou pas encore), c’est à dire avant la mobilisation électorale. Les sondeurs préfèrent donc s’abstenir, c’est à dire faire comme si l’abstention n’existait pas. Le traitement sondagier des municipales de mars 2014 illustre une fois encore cette singulière pratique. Aucun sondeur n’a voulu jusqu’à présent interroger les sondés sur leur participation au scrutin municipal pour lequel ils étaient sollicités. Les dernières enquêtes en la matière, qu’elles annoncent la victoire dès le premier tour d’Alain Juppé à Bordeaux (CSA-BFM TV-Orange-Le Figaro, 11 décembre 2013) ou la défaite de Nathalie Koziusko-Morizet et d’Anne Hidalgo dans leur circonscription électorale parisienne respective (2 sondages Ifop-Fiducial-JDD-Sud radio, 15 décembre 2013) indiquent, dans le meilleur des cas, un pourcentage de sondés qui ne se prononcent pas, sans plus de précision [2]. Impossible d’assimiler les non-répondants aux seuls abstentionnistes, certains refusant de divulguer leur choix, ou ne sachant encore pour qui ils voteront. Ces sondages ne sont pas des prédictions répètent à l’envi les sondeurs mais fournissent une indication « du rapport des forces politiques en présence ». Cet argument habituel est bien faible au regard de l’éloignement des sondages du scrutin réel, mais il tient encore moins lorsqu’une partie des électeurs potentiels, les abstentionnistes (l’échantillon étant constitué sur la base des inscrits sur les listes électorales) est « enrôlé » sans mot dire.
Une première évaluation a été proposée par un sondeur (cf. OpinionWay-Le Figaro-LCI, 9 décembre 2013) qui a avancé un chiffre moyen de participation à l’échelle nationale (55%). Pour des élections locales, qui plus est à quatre mois de l’échéance, cela n’a guère de sens de le comparer au taux moyen de participation nationale du premier tour des municipales de 2008 (65%). Autre curiosité, le sondeur s’enquiert des motivations du vote aux prochaines municipales auprès des sondés ayant déclaré préalablement qu’ils n’iraient pas voter. Leur demander pourquoi devait sembler déraisonnable. Les sondés abstentionnistes ne sont toutefois pas contrariants ils ont répondu...pourquoi ils voteront ! De la fausse information que les médias continuent à écouler. Pourquoi se gêner ? Les abstentionnistes sont si peu gênants.