Dans la mythologie des sondages, une prouesse initiale tient une grande place : en 1936, George Gallup annonça la victoire de Franklin D. Roosevelt à partir d’un échantillon représentatif de 5000 personnes environ contre le vote de paille (straw vote) du magazine Literary Digest basé sur plusieurs millions de personnes. Cela sonna le glas du Literary Digest et… des votes de paille. Avant que les sondeurs restaurent les votes de paille. Ainsi l’Ifop, premier « institut » [1] créé en 1938 par Jean Stoetzel s’est lancé dans leur fabrication accélérée grâce à internet et ces opérations baptisées « sondages en ligne ». Comme dans les votes de paille, une gratification à gagner, un échantillon spontané. Différence : il y a eu une sélection des sondés. Comme nous l’avons expliqué ici, la méthode est inadaptée quoi qu’en disent les fabricants. Voilà donc un échantillon d’internautes assez désoeuvrés ou assez stupides pour croire qu’ils vont gagner un cadeau quelconque en répondant aux questions de l’Ifop. Il est urgent que ces « sondages en ligne » soient interdits comme vient de le proposer la commission des lois du Sénat. On peut actuellement en apprécier la perversité dans la publication actuelle des votes de paille.
La Lettre de l’opinion, une publication de l’Ifop qui publie des produits de l’Ifop, vient d’en donner un nouvel exemple (Ifop-la lettre de l’opinion n° 21). Une annonce spectaculaire d’abord : Nicolas Sarkozy devance Martine Aubry de 3 points. Au premier tour, faudrait-il préciser. Pourquoi le résultat du deuxième tour n’est-il pas évoqué ? Car ce n’est plus alors une compétition entre deux candidats qui est mesurée mais un bloc de droite contre un bloc de gauche dans lequel le premier a l’avantage sur le second. Que sont ces blocs ? Ce sont des « blocs », dit le sondeur, en présageant que les électeurs vont se distribuer selon ce clivage démenti tous les jours par les querelles entre les candidats qui leur servent de drapeau. L’important est que le résultat soit favorable à la majorité selon la ficelle du marketing qui consiste à faire voir une promesse de victoire pour démentir les mauvais présages et tenter d’inverser l’effritement qui apparaît par ailleurs. Il faut alors taire les mauvais chiffres, comme 26 % de voix au premier tour pour un président sortant, et d’autres. Ils n’existent pas. Un principe du push poll, puisque ce vote de paille en est un, est de ne prendre que ce qui est bon. Pour faire advenir la remontée, le message va être évidemment repris sur tous les médias favorables au pouvoir. Est-il utile de les nommer ? On sait d’avance qui a repris en boucle, les médias aux mains des amis du président et ceux qui n’ont rien compris.