Ainsi appela-t-on Louis XVI lorsqu’il usa et abusa de son pouvoir de veto sur les décisions de l’Assemblée législative. On pourrait ainsi appeler Nicolas Sarkozy dès lors qu’il s’agit de sondages. On se souvient de la création de la commission d’enquête parlementaire par l’Assemblée nationale en 2010. La commission était à peine constituée que son rapporteur, le député UMP Gilles Carrez, déposait un amendement excluant les dépenses de sondages de l’Elysée du périmètre d’enquête. Le vote à l’unanimité des députés UMP ne laissait aucun doute sur l’ordre venu de l’Elysée. Le groupe PS de l’Assemblée préféra renoncer.
On sait dans quelles conditions le Sénat confia une mission d’information à sa commission des lois dont fut issu le rapport transpartisan Hugues Portelli – Jean-Pierre Sueur et la proposition de réforme débattue en séance le 14 février 2011. Cette fois encore, le ministre des relations avec le Parlement répercuta le veto de l’Elysée. Pas question de discuter une réforme de la loi sur les sondages. N’évoquons même pas la misère et même le ridicule des prétextes. La proposition adoptée à l’unanimité, on apprenait que le gouvernement ne l’inscrirait pas à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Au passage, on apprécie toujours les ambitions affichées de revalorisation du Parlement affichées par les présidents successifs de la Cinquième République. Le plus ambitieux en apparence, Nicolas Sarkozy, maître d’œuvre d’une solennelle réforme constitutionnelle, est sans doute le plus hostile à toute velléité d’initiative parlementaire. Pointe-elle qu’il veille à ramener les assemblées à leur rôle de chambre d’enregistrement. Sans aucune nuance ni subtilité. Sachant que les députés de la majorité sont parfois rebelles à ses vues, notamment sur les sondages, dont beaucoup de sénateurs mais aussi de députés UMP souhaiteraient qu’on en vienne à une sage régulation, l’arme est brandie : veto.
Cette brutalité n’est pas seulement caractéristique du personnage et de l’idée qu’il se fait de son autorité. Elle trahit la sensibilité exacerbée : une attaque portée à son intérêt vital de la réélection. On se doute que s’il était réélu Nicolas Sarkozy serait prêt à tout accepter comme il l’a fait sur d’autres points. Ainsi en va-t-il quand on n’a d’autre principe que soi-même. Mais la réélection, voila qui vaut bien qu’on défende becs et ongles son arme principale qu’est la capacité à manipuler les citoyens, selon des procédés qui se moquent de la démocratie : un coup d’Etat permanent permis par le contrôle de la plupart des sondeurs et des médias. Mais pas une arme absolue. Un ultime espoir plutôt. Pas moins dangereux.