observatoire des sondages

Présidentielle : il pleut des sondages

mercredi 11 janvier 2012

Après l’Ifop et le journal du dimanche (8 janvier 2012), c’est au tour de BVA et du Parisien de publier leur premier sondage d’intention de vote de l’année à la présidentielle de 2012. Seul le mode d’administration les distingue véritablement l’un de l’autre (le premier par internet le second par téléphone), car pour le « reste », les défauts sont les mêmes.

- Non représentativité de l’échantillon

Si 815 sondés ont bien voulu écouter BVA alors que le sondeur annonce un échantillon de 973 personnes, 636 (pour le premier tour) et 619 (pour le second tour), ont consenti à lui répondre. On connait mieux depuis la primaire socialiste la réponse des sondeurs qui, réduisant significativement la taille de leurs échantillons, prennent leurs aises avec la représentativité : faire comme si de rien n’était. Cette "liberté est semble-t-il payante puisque la commission des sondages demeure sans réaction et la presse toujours aussi réactive continue de publier sans consulter la notice détaillée : « le sondage a été réalisé par téléphone les 6 et 7 janvier auprès d’un échantillon représentatif de 973 personnes âgées de 18 ans et plus » (AFP, 9 janvier 2012).

- Une notice détaillée maquillée

Censé apporté une once de rigueur au sondage, le tableau de marge d’erreur inséré dans la fiche technique, comme tout ceux qui accompagnent les notices des sondeurs depuis quelques mois, semble du coup masquer délibérément cette faiblesse de l’échantillon réellement interrogé et à proprement parler détourner le regard. L’attention du lecteur est en effet volontairement dirigée vers la ligne des marges correspondant à un échantillon effectif sans rapport avec celui du sondage.

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Le procédé est certes particulièrement rustique mais autant ne pas donner matière à refroidir l’enthousiasme d’un sondeur affirmant sans coup férir que le candidat socialiste « même s’il déçoit, en ce début d’année 2012, est toujours, assez nettement le premier au premier » (F. Hollande 28%, N. Sarkozy 24%).

- Aucune abstention

Comme la très grande majorité des sondages d’intention de vote, celui-ci ne donne aucune indication sur l’abstention, ce qui réduit si c’était encore possible le degré de réalité des chiffres publiés. La question de la participation au scrutin des 815 personnes interrogées, question élémentaire s’il en est, même si à quatre mois du scrutin la signification des réponses est inégale parmi les sondés, n’a pas été posée. Si 22 et 24% des sondés ont finalement refusé d’exprimer leur intention, le sondeur ne fournit à leur égard aucun autre renseignement. Le Parisien parle lui d’indécis sans preuve. Nous ne sauront donc pas s’il s’agit d’abstentionnistes, de défenseurs du secret de l’isoloir, ou encore comme feint de le croire le journal, d’électeurs partagés entre tous les candidats. Rappelons pour mémoire que le taux d’abstention aux trois dernières présidentielles s’est élevé respectivement à 21,6% en 1995, 28,4% en 2002 et 16,2% en 2007. Qui s’en souvient ?

- Hétérogénéité des méthodes de redressement des candidats

Rappelons que le refus des sondeurs de publier leurs méthodes de redressement pour obtenir les résultats finaux, livrés quant à eux à l’appréciation du public, est antiscientifique, mais aussi antidémocratique lorsque, comme ici, les intentions de vote en faveur des différents candidats ne subissent pas le même traitement de la part des sondeurs. Le redressement des chiffres bruts s’effectue principalement à l’aune des résultats des élections précédentes de même nature, l’absence de certains candidats ou de partis aux précédents scrutins présidentiels (J.L Mélenchon, D. de Villepin, H. Morin, J.P. Chevènement), empêche l’application de cette méthode. Si l’intuition, autrement dit le doigt mouillé a toujours fait partie, avec les affinités électives et l’humeur du moment de la panoplie du sondeur-redresseur, les nouveaux candidats en sont beaucoup plus tributaires que les autres (« anciens », sortants). Les candidats ne sont donc pas égaux devant les sondeurs. Gageons que ces derniers protesteront encore de leur professionnalisme.

La presse dans son ensemble, manifestement toujours aussi peu sensible à la qualité des produits sondagiers, a annoncé le sondage de BVA dans les mêmes termes que ceux qui ont accompagné trois jours plus tôt la publication de celui de l’Ifop dans le JDD : « Hollande en baisse » pour le Monde (11 janvier 2012), « L’écart se resserre » (Reuters, AFP, Le Point, etc., 9 janvier, 2012). Ils concernent exclusivement le score du premier tour, car pour le second le candidat socialiste est donné largement gagnant avec 57% d’intentions de vote (43% pour Nicolas Sarkozy). Une avance confortable qui réjouira peut-être le candidat et ses partisans sans aucun doute, absolument insensibles aux défauts de sondages annonçant d’aussi bonnes nouvelles. Comme ils ont forcément cru le même sondeur quand il disait l’inverse : « Il y a de la constance dans la folie des sondeurs. Est-ce que cela signifie qu’il y a des chances que l’année prochaine, qu’en mai prochain on observe un résultat de ce type ? Honnêtement non ! » (Gaël Sliman, BVA, BFM radio, 21 octobre 2011, à propos des scores de second tour de François Hollande dans les sondages). Quant à savoir si les bons messagers croient à ce qu’ils disent.

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