« J’ai de mauvaises nouvelles pour la Repubblica : c’est un vieux truc leur affaire, c’est un sondage dépassé qui remonte à quatre mois » [1]. Ainsi s’exprime le 19 mai 2011 Gianni Alemanno, maire de Rome et ancien fondateur du parti fasciste Alleanza Nazionale (« droite nationale, libérale, conservatrice »), en réplique aux sondages publiés la veille dans le journal, lui attribuant une chute de 16 points (de 60 à 42%) dans les intentions de vote aux prochaines élections municipales. La veille en effet, le journal dévoilait un sondage apparemment « très secret » du sondeur Ipsos-Italie, selon lequel, à la différence des élections de 2008, « si l’on votait aujourd’hui, le maire sortant [Gianni Alemanno] ne dépasserait pas 44,2% des voix (…) tandis que son probable rival de centre-gauche, Nicola Zingaretti, l’emporterait au premier tour avec 55,8% » [2].
La révélation du sondage « très secret » d’Ipsos-Italie ne manquant pas d’aller dans le sens du résultat du premier tour des élections municipales italiennes advenu cette semaine où des candidats d’opposition (gauche, centre-gauche) ont troublé toutes les prévisions sondagières en gagnant plusieurs villes clés, comme Piero Fassino, au premier tour, à Turin ou Giuliano Pisapia [3] qui a mis en ballotage Letizia Moratti, favorite du président du Conseil. Gianni Alemanno ne devait trouver qu’une solution stratégique à la publication non souhaitée de ce sondage : en acheter d’autres. « On a récupéré au moins 5 points, commenta-t-il dans la foulée, Ipsos n’aura qu’à refaire le sondage d’ici peu et nous l’avons déjà refait avec d’autres instituts : nous sommes à 5 points au-dessus du chiffre donné » [4]. Que la classe dirigeante italienne qu’il représente n’ait que faire de la vérité n’est pas une surprise. Plutôt payer l’entreprise de sondages de Luigi Crespi (« Crespi Ricerche »), ancien sondeur officiel de Silvio Berlusconi, que de risquer une décente dans les précipices du suffrage populaire. L’ivresse sondagière du locataire actuel du Capitole ne s’arrêtant pas là, puisque les sondages qu’il commissionne en sa faveur sont payés par les citoyens romains. Tous les sondages mènent à Rome…