observatoire des sondages

C’est parti pour 2012

samedi 27 mars 2010

A peine les élections régionales passées, la campagne des sondages sur les intentions de vote pour les présidentielles est ouverte. Les sondés étaient donc une nouvelle fois invités, les 24 et 25 mars 2010, à répondre à la question : « si l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain,… ». Justement, aucun sondé n’ignore que cette élection n’aura lieu qu’en 2012. Sauf accident. Le sondeur CSA obtient donc des réponses à une question qui ne se pose pas mais financée la chaîne parlementaire LCP, autrement dit, payée par l’argent public. Les dirigeants de cette chaîne s’offrent donc un petit divertissement sur le dos des contribuables ainsi qu’un coup publicitaire. On imagine aisément la scène dans la rédaction : quelqu’un a-t-il une idée ? Et si on faisait un sondage ? « Le premier sondage présidentiel après les régionales ». En fait, deux ou trois questions dans un omnibus. Tant pis si elles interviennent après quelques autres et si l’épisode est vite recouvert par la multitude de sondages qui vont se succéder. Tant pis si le vote doit avoir lieu dans plus de deux ans, il doit bien exister déjà des intentions. En tout cas, on les aura.

Les jeux politico-journalistiques paraîtront d’autant plus innocents que les réponses n’ont aucune valeur. Un nouveau « petit sondage » sans importance. Ce n’est un secret pour personne que les chiffres donnés n’ont aucun sens puisqu’on ne connaît même pas les candidats. Même les sondeurs pourtant intéressés par ce genre d’opération publicitaire le reconnaissent volontiers en s’abritant derrière les désirs des clients. On ne peut leur refuser des sondages qui ne valent rien.

Résultat : « Présidentielle : Aubry battrait Sarkozy au 2e tour avec 52 % des voix ». Le titre est racoleur mais ne signifie rien, même pas un rapport de force à un moment donné comme les sondeurs le déclarent parfois pour défendre leurs produits. Si on ne peut rien affirmer ni dans un sens ni dans l’autre sur l’information qui est donnée – il faudrait dire la fausse information – d’autres données suffisent à établir la fausseté du sondage. 40 % d’abstention, bulletins blancs ou nuls ? On sait que l’élection présidentielle est pour l’heure la seule à ne pas souffrir de la baisse massive de la participation. Le résultat est donc parfaitement improbable en doublant un chiffre relativement constant contrairement aux résultats de candidats changeants. De même pour le chiffre de 34 % d’abstentions, votes blancs ou nuls pour le second tour. Par contre, ce niveau est bien en rapport avec les réponses à une question qui ne se pose pas et pour laquelle un nombre conséquent de sondés se réfugient dans une abstention sondagière.

Selon la fiche technique, les intentions de vote pour un sondage sur un échantillon de 843 inscrits sont donc calculées sur 512 personnes. C’est peu. C’est encore moins si on considère que les non réponses ne sont pas indiquées. Tous les sondés ne sont pourtant pas polis, gentils ou idiots pour répondre sagement aux questions qui ne se posent pas. Mais nous ne saurons pas combien si nous n’allons pas consulter le site de l’entreprise de sondage. Et nous ne saurons jamais combien de personnes ont tout simplement refusé de se prêter au jeu.

Est-ce bien un jeu ? Pour certains assurément mais cela n’a-t-il pas des effets de système ? Le sondage CSA-LCP va être repris en boucle par les médias. D’autres vont suivre, à l’image d’un sondage Ifop-Sud Ouest Dimanche effectué les 25-26 mars avec le même résultat. Toujours repris en boucle par les médias. Les dirigeants politiques vont être interrogés sur leur candidature ou leur candidat préféré. Ils le sont déjà. Laurent Fabius était interrogé sur France Info le 25 mars : « Fabius sur son éventuelle candidature : « c’est ouvert » a retenu la dépêche de l’AFP. Une interview du sénateur-maire de Lyon était publiée le même jour dans Le Nouvel Observateur : « Collomb : pas favorable à la candidature Aubry, mais celle de DSK le convainc » retenait l’AFP. C’est donc parti pour 2012 dans cet échange entre professionnels de la politique, élus, journalistes et sondeurs. Et pour alimenter ce cercle vicieux où des fausses informations au départ et des professionnels mi-contraints, mi-consentants réduisent la politique à une course aux emplois. Avec les citoyens pour spectateurs.

Ce système politique a des allures de caricature. Il est une parodie de démocratie. Il ne faut donc céder ni à la fausse simplicité apparente d’une « politique spectacle » ni au mépris de sa vulgarité. C’est beaucoup plus qu’un spectacle mais la réalité du pouvoir qui s’y joue combinant sondages, communication, connivences et croyances. Puisque l’objectif 2012 va désormais occuper la scène, en une forme de soap opera, forcément dérisoire mais inévitable, il faut ouvrir un nouveau chantier pour mieux comprendre le régime politique dans lequel nous vivons désormais, sans qu’il y ait eu de réforme constitutionnelle, un régime qui n’a d’ailleurs qu’un très lointain rapport avec les règles de droit.

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