observatoire des sondages

Les sondages et la crise : avoir confiance en sa banque

jeudi 7 mai 2009

En septembre 2008, il a suffi de peu de jours pour que tout le monde se rende à l’évidence d’une grave crise économique. La faillite de Lehman Brothers fut un coup de tonnerre même si quelques experts perspicaces déclarèrent alors que la crise avait commencé durant l’été 2007. Aux premières loges, le système bancaire était en pleine déconfiture. Les Etats ouvrirent les vannes du crédit public pour éviter les faillites en chaîne. Au premier rang des accusés, les banquiers et les traders avec leurs spéculations risquées, leur crédits sans solvabilité, les arrangements opaques de la titrisation, sans parler de leurs bonus, de leurs stocks options et de leurs parachutes dorés. On sait que le sauvetage des banques visait d’abord à éviter les phénomènes de panique qui sont à la source des krachs. Dans les bourses, les indices chutèrent en quelques jours. Le grand public ne sembla pas s’affoler pour autant.
Dans les semaines et les mois suivant, des sondages assurèrent que la confiance régnait. Selon un sondage en ligne d’Opinionway, publié par Le Figaro (10/10/2008) et LCI, 79 % des Français disaient avoir confiance dans la solidité de leur banque. Publié un mois plus tard (Le Monde, 18/11/2008), un sondage téléphonique Logica - TNS Sofres enregistrait aussi peu d’inquiétude puisque 76 % des sondés disaient faire confiance à leur banque. Cette réaction était d’autant plus impressionnante que les avis étaient plus pessimistes sur les effets de la crise en général. Les choses étaient moins positives fin janvier 2009 à en juger par un sondage Ifop - Le Journal du Dimanche puisqu’ils n’étaient plus que 8 % à faire tout à fait confiance et 45 % à faire plutôt confiance. Cela permettait au Journal du Dimanche de titrer néanmoins que 53 % des Français font confiance aux banques. Ouf ! La majorité était là qui permet de résumer ensuite en disant que les Français font confiance à leur banque.

Il y a matière à étonnement devant ce niveau de confiance élevé et l’information qui faisait une si large place à la défaillance morale et gestionnaire des banquiers. Plantu, le dessinateur du Monde, ironisait en montrant une famille française devant un caddie vide et des sondeurs étonnés par la confiance manifestée aux banquiers. On n’en conclura pas que ces Français étaient dans un autre monde puisque les avis sur la crise se révélaient sombres. Comment concilier ces jugements inverses et apparemment si peu cohérents ?
Selon Opinionway et Le Figaro, le mérite de la confiance revenait à Nicolas Sarkozy qui avait su trouver « les bons mots » en garantissant qu’ « aucun épargnant ne perdrait un seul euro » alors que cette mesure était prioritaire pour « 82% des Français ». Les garanties des Etats n’ont pas manqué de rassurer sans doute. Il faut néanmoins se demander quel est le sens d’une question sur la confiance dans les banques pour les gens qui y déposent leur argent. Faire confiance à la banque, c’est-à-dire à leur banque, cela est-il si étonnant puisqu’on y a mis son argent et qu’on ne peut se passer des banques pour recevoir son salaire et pour toutes les opérations financières dans lesquelles on est engagé. Chacun est aujourd’hui un client captif du système bancaire et quitte à avoir une banque autant que ce soit une en laquelle on a confiance. Il est pour le moins inconfortable de se dire, même dans la situation artificielle de répondre à un enquêteur, que l’on n’a pas confiance dans le banquier qui garde son argent. Surtout si on le connaît personnellement. On se souvient du syndrome de Stockholm, cette sympathie que des otages ont progressivement vouée à leurs preneurs d’otages. Imaginons l’intrusion d’un sondeur demandant aux otages s’ils font confiance à leurs geôliers pour les libérer. Ils répondraient leur faire tout à fait confiance. Les Français comme leurs contemporains ne peuvent pas se passer de leur banque, ils ne peuvent pas non plus lui refuser leur confiance, quitte à vilipender les banquiers anonymes de banques anonymes.

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