observatoire des sondages

Nicolas Sarkozy et l’« opinion publique » : nouvel épisode de la reconquête

lundi 14 novembre 2011

Cela fait partie des scenarii des spin doctors, décidément pauvres en imagination, il faut accréditer le récit de reconquête de l’opinion par Nicolas Sarkozy. Cette fois, CSA n’y a pas été de main morte avec un gain de popularité de 8% d’un coup (Baromètre CSA-Les Echos, 9 novembre 2011). Et les doxosophes n’ont pas économisé leur enthousiasme. Quelques exemples :

- « Spectaculaire rebond de la cote de confiance de Sarkozy » (Les Echos, 9 novembre 2011).

- « Nicolas Sarkozy arrive à enclencher un mouvement de dynamique » (Pascal Perrineau, AFP, 11 novembre 2011).

- « Nicolas Sarkozy semble profiter encore une fois de situations de crise très angoissantes » (Gaël Sliman BVA, AFP, 11 novembre 2011).

Les push polls, ces sondages pour promouvoir une cause, ici celle de Nicolas Sarkozy, énième d’une longue série, jouent sur plusieurs registres : choix des questions, biais sur l’échantillon, commentaires. Arrêtons nous ici sur ces derniers puisqu’ils semblent constituer l’essentiel de l’effort de persuasion. Et faisons comme si les résultats étaient crédibles aussi approximatifs et douteux soient-ils. Le gain de 8 % tout d’abord. Cela fait beaucoup et même trop si rapidement et indique combien les sondés sont distraits quand ils répondent aux questions. Si l’opinion est volatile comme nous l’indiquent les sondeurs lorsqu’ils se trompent (encore qu’ils prétendent ne jamais se tromper), s’ils changent d’avis aussi souvent, c’est peut-être moins qu’ils changent réellement d’avis qu’ils donnent volontiers un avis sur toutes choses sur lesquelles on daigne les interroger sans se soucier beaucoup de ce qu’ils disent. Ménagère tenant son téléphone sans fil en train de remuer l’eau bouillante pour faire les pâtes, retraité tuant le temps en répondant à une jeune enquêtrice bien sympathique, etc… autant de situations de réponses de sondages dont tout enquêteur sait à quoi s’en tenir, sans même voir au bout du fil. Mais acceptons ces résultats. 8 points de plus, c’est énorme. Sans doute la conjoncture internationale du danger est-elle favorable pour se fier à la maîtrise du capitaine. Ce mot fait d’ailleurs partie des éléments de langage distillé par les communicants de l’Elysée. L’argument est un peu faible quand le capitaine correspond si mal aux traits seulement physiques d’un capitaine, mais on fait comme on peut. Après tout, rien que de très normal quand les choses vont mal. Cela ne coûte rien de faire confiance quand on ne peut rien faire d’autre. Et puis si l’on considère la ventilation du gain de popularité, on observe qu’il concerne surtout les électeurs de droite qui se rallient au président sortant à l’approche de l’élection soit au fur et à mesure qu’ils doivent se résigner à sa candidature. Autant s’y préparer assez tôt.

Deuxième sujet de satisfaction pour les partisans de Nicolas Sarkozy : le jugement des mesures gouvernementales de rigueur en principe difficiles à accepter pour les Français tant elles sont synonymes de sacrifices. Eh bien là encore, les Français comme disent les commentaires sont décidément surprenants puisqu’ils acceptent bien ces mesures. Franchement, un article du Figaro ou d’autres journaux auraient-ils dit qu’elles étaient impopulaires qu’on eut été désemparé. On savait donc par avance que les Français approuvaient globalement. Quand on sait comment fonctionnent les sondages, on ne pouvait pas douter qu’en gros, les sondeurs feraient répondre ce qu’ils voudraient aux personnes interrogées. Les procédés ne manquent pas :

- questions incompréhensibles pour la plupart des gens. Celui qui ne comprend pas consent.

(Une surtaxe exceptionnelle de 5% de l’impôt sur les sociétés pour les grands groupes)

- questions oubliées, pourquoi faire souffrir ?

(Quid du gel des barèmes de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la fortune en 2012 et 2013 au niveau de 2011 ? Qui se traduira « mécaniquement » par une hausse des impôts.)

- petits arrangements avec les chiffres, l’interprétation est toujours subjective.

(Seules les mesures symboliques présentées par CSA, par exemple le gel du salaire du président et des ministres, sont approuvées par les sondés.)

Il suffit maintenant d’attendre le prochain épisode de la reconquête.

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