observatoire des sondages

Présidentielle : la commission des sondages lave toujours plus blanc

mercredi 27 juillet 2011

La victoire d’Eva Joly à la primaire du parti Europe-écologie-Les verts a pris en défaut les sondeurs sans changer leurs pratiques. Qu’il s’agisse du sondage LH2-Nouvel Observateur (12 juillet 2011) sur le meilleur candidat pour la droite en 2012, de la 5e vague du sondage CSA-BFM TV-RMC- 20Minutes sur la primaire socialiste (13 juillet 2011), ou de la dernière livraison du baromètre OpinionWay sur cette primaire (Le Figaro, 15 juillet 2011), tous sont affublés des mêmes fautes que les sondages ayant annoncé la victoire de Nicolas Hulot.

En résumé :

- Une partie des échantillons est composée de sondés qui ne voteront jamais pour les candidats qui sont soumis à leurs jugements. LH2 a demandé par exemple à tous les sondés (y compris donc à ceux qui votent ou voteront pour un candidat de gauche), leur préférence entre Nicolas Sarkozy (18%), Alain Juppé (18%), ou François Fillon (13%). Ce qui explique certainement que la réponse « aucun des trois » que le sondeur a eu « l’intelligence » de proposer ait été choisie par 45% des sondés.

- La notion de sympathisant ne recouvre aucune réalité objective et objectivable. Elle repose sur les déclarations des sondés toujours sujettes à caution quand au sens qu’ils donnent au terme sympathisant. Un sympathisant n’est pas forcément un militant, ni un électeur.

- Les effectifs de sympathisants réellement interrogés sur leurs intentions de vote, quand les sondeurs consentent à les communiquer, sont très nettement insuffisants (280 pour CSA, 211 pour OpinionWay).

- Les résultats de ces trois sondages sont donc comme les précédents du même type sans aucune valeur au regard des règles méthodologiques ou des lois de la statistique les plus élémentaires.

Sans se troubler, les commentateurs continuent... avec la complicité de la commission des sondages. Entre mars et juin 2011, celle-ci a publié deux communiqués qui visent explicitement la question de la faiblesse des effectifs interrogés dans certains sondages. Exceptionnels au regard du silence « affiché » par l’institution de contrôle depuis juillet 2009, ils blanchissent purement et simplement les sondeurs (en l’occurrence OpinionWay et l’Ifop), et les commentaires qui accompagnent leurs sondages dans la presse (le Jdd et le Figaro). Or on sait que la commission s’est plainte de son manque de moyens.

La prise de position vaut son pesant d’or. La commission affirme en effet : « En principe, les résultats établis sur la base d’effectifs réduits tels ceux ayant servi à la publication de ces résultats complémentaires doivent être interprétés compte tenu des limites inhérentes à des effectifs aussi faibles. Cette réserve n’ôte toutefois pas tout caractère significatif à ces résultats, car ces deux compléments ne constituent pas un sondage à part entière, mais appartiennent à une seule enquête qui doit être interprétée globalement ». (Communiqué du 20 avril 2011)

Autrement dit la valeur des résultats spécifiques à certaines populations ou sous-populations interrogées doit s’apprécier non en fonction de leurs effectifs propres, mais de la taille de la population dont elles sont extraites. C’est la négation même du principe de l’échantillon représentatif. Le terme "significatif" devient quasiment synonyme de représentatif. En poussant le raisonnement par l’absurde, les réponses obtenues auprès d’une seule personne extraite de la population française peuvent donc suffire. Sinon à partir de quel nombre est-ce significatif ? Et on retrouve donc la question de la taille posée pour les sous populations.

Il existe un problème de compétence, d’indulgence et même de compromission qui vont au-delà des attentes des sondeurs. Ceux-ci n’osent pas en effet soutenir un tel raisonnement. Comme permettent de le constater :

- la mention qui figure sur les fiches détaillées des différentes livraisons du baromètre des primaires d’OpinionWay : « Compte tenu de la faiblesse des effectifs, les résultats auprès des « électeurs potentiels » (personnes qui déclarent être certaines d’aller voter lors de ces primaires) ne doivent pas être considérés comme une intention de vote autonome mais comme les résultats de l’enquête auprès d’une sous catégorie de l’échantillon total ».

- ou leurs déclarations dont celle de François Miquet Marty (Viavoice) qui justifiait sans rire la faiblesse d’une sous-population d’un sondage sur la primaire écologiste en assurant : « Il est possible d’en tirer des conclusions » [1].

Disposer d’une caution d’Etat sans frais, pour un marchand cela n’a pas de prix. Faut-il voir dans ce renforcement du rôle de caution assuré par la commission des sondages, la perspective du scrutin présidentiel de 2012 ? Sa propre défense à coup sûr aussi, tant une institution ou une bureaucratie vise d’abord à survivre surtout si elle a été prise en faute. C’est en effet un plaidoyer pro domo auquel elle se livre dans son dernier communiqué publié le 16 juin 2011, affirmant qu’elle veille à « maintenir une parfaite transparence des méthodes utilisées tant en ce qui concerne les techniques statistiques d’établissement des données redressées que des méthodes par lesquelles sont finalement établies les données publiées ». On sait l’opacité des méthodes et de l’économie des sondages. On apprécie qu’un organe officiel prétende le contraire.


[1Cf. Mediapart, 30 juin 2011.

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