Plus les sondages divergent, plus ils suscitent de discussions. Telle est la conséquence paradoxale de la publication de deux sondages sur la politique de Nicolas Sarkozy. Dans Libération, 58 % des personnes jugent son bilan « négatif », autorisant le titre : « Crise : Sarkozy ne convainc pas » (Viavoice-Libération, 14 septembre 2009). Dans Les Echos, 52 % des personnes se déclarent satisfaites de sa gestion de la crise autorisant un titre inverse : « Crise : 52% des français satisfaits » (BVA-Les Echos, 14 septembre 2009). Difficile à concilier. Le Point se rengorge en attribuant la contradiction aux lignes éditoriales des deux quotidiens, le sondage défavorable pour le quotidien classé à gauche, favorable pour celui qui est classé à droite.
L’interprétation n’est pas absurde quand d’autres journaux s’en mêlaient. Le Figaro titrait « Sondage : Sarkozy a bien géré la crise ». Le Monde choisissait aussi son camp en choisissant son sondage : « 52 % des Français satisfaits de la gestion de la crise par Sarkozy ». Il oubliait celui de Libération mais le quotidien en avait probablement entendu parler pour s’émouvoir, dans un autre article, des difficultés de ceux qui prennent le « pouls de l’opinion » face à des résultats « pour le moins contrastés » (Le Monde 14 septembre 2009). En surplomb, Marianne morigénait ces « éditorialistes qui abandonnent leur fonction pour devenir des VRP de la fiabilité et de la vertu sondagière » , sans pouvoir totalement s’empêcher de les imiter.
L’occasion était trop belle pour ne pas soulever une question de méthode. Le Point remarquait en effet une incongruité dans la composition de l’échantillon de BVA où figuraient des mineurs (15-18 ans), sans droit de vote précisait-il, dont on peut douter qu’ils aient les compétences pour répondre à des questions sur la crise financière. Comme dans les procès, la parole était donnée à la défense : « Quand les questions ne portent pas sur des intentions de vote, nous considérons qu’il est dommage d’exclure des individus de 15 à 18 ans, expliqua le sondeur. Cela dit, les 15/18 ans ne représentent qu’une petite partie de l’échantillon - 75 personnes sur 1002. Ils ne pèsent pas grand-chose et, quand bien même ils seraient totalement divergents par rapport aux autres, ils ne changeraient rien aux résultats globaux ».
Au moins la querelle a-t-elle suscité une trouvaille méthodologique. Professionnels des mots, les journalistes sont plus doués pour résoudre par la plume les incohérences lorsque, au cœur d’un seul et même sondage, elles deviennent insondables. 52% des sondés de BVA sont-ils satisfaits de la gestion de la crise par Nicolas Sarkozy alors que 59% considèrent que sa politique économique est mauvaise ? Les Echos trouvent la belle formule qui arrange tout cela : « Une majorité de Français salue l’action de Sarkozy face à la crise sans adhérer à sa politique ».