Comme Valeurs Actuelles, L’Opinion ou Le Figaro, l’émission « C dans l’air » a constamment affiché ses faveurs pour Nicolas Sarkozy. Admettons que ce soit son droit quoique cette émission télévisée soit logée sur une chaîne publique, France 5. Ce n’est pas à ce titre que nous nous intéressons à elle mais comme archétype de l’émission spécialisée dans la doxosophie, l’interprétation, l’exégèse de ce que sont censés penser les Français. Sondeurs et journalistes quasi inamovibles à l’appui. Peut-être d’ailleurs un signe de l’épuisement d’une formule lassante et de plus en plus creuse (si cela est encore possible).
Le retour de Nicolas Sarkozy devait donc occasionner les propos laudatifs des membres permanents de l’émission. Comme prévu, le retour de l’ancien président de la République est une réussite. Les doxosophes « maison » l’ont donc accueilli conformément à la ligne politique de son animateur-producteur.
C dans l’air, 22 septembre 2014, (extraits) :
Yves Calvi : « Est-ce que c’est réussi ce retour ? »
Christophe Barbier (L’Express) : « oui c’est réussi pour ceux qui souhaitaient retrouver un Nicolas Sarkozy inchangé, c’est à dire ce cœur de militants de l’UMP ».
Brice Teinturier (Ipsos) : « Moi je trouve que c’est réussi parce que je trouve qu’il a coché les trois cases importantes. Sur la personnalité, il a pris des gages d’emblée » : « je ne veux pas blesser », « j’ai pris du recul », « j’ai muri ». « Sur le positionnement : il va transcender les clivages. Et puis sur le bilan il s’est débrouillé pour remettre la crise de 2008 et François Hollande comme responsables si ce n’est de manière convaincante, de manière habile. Au bout du bout, je pense qu’il s’est positionné non pas comme un homme providentiel mais comme un homme exceptionnel...c’était plutôt pas mal joué ».
Roland Cayrol (ex-dirigeant de CSA) : « j’avais trouvé assez beau le texte de Facebook, j’avais trouvé que c’était un bon texte politique, là je reste sur ma faim. J’ai trouvé qu’il était au coeur de contradictions qu’il ne résolvait pas. il faut être un rassembleur comme le disait bien son texte sur Facebook, le positionnement du rassembleur ce n’est pas tout à fait le positionnement du cogneur au coin du ring ».
Yves Calvi : « On a donc retrouvé l’impétueux ? »
Catherine Nay (Europe 1) : « Qu’est-ce que vous voulez vous n’allez pas transformer le grand fauve politique qu’il est en veau sous la mère. Moi je trouve que son talent c’est qu’il a transformé une évidence, son retour, en numéro incroyable avec les chaines de télévision qui ont fait des numéros spéciaux (...) dans donc ça veut dire qu’il existe et quand même hier soir à la télé : 8,5 millions de téléspectateurs. Donc ça veut dire qu’il intéresse toujours ».
Sondage ne saurait mentir ? Un post-test Odoxa [1], nous annonce que la prestation télévisée de Nicolas Sarkozy n’a pas convaincu 55% de ses sondés (Le Parisien, 23 septembre 2014). Mais quel peut-être le crédit d’un post-test qui interroge des sondés sur une intervention télévisée qu’ils n’ont pas regardée ? Un biais dont les sondeurs n’arrivent curieusement pas se défaire puisqu’ils s’évertuent toujours à évaluer l’efficacité des prestations télévisées des personnalités auprès de ceux qui a priori ne les apprécient pas, en premier lieux ceux qui, sauf cas de masochisme, ne les regardent pas.
Tout cela importe peu pour Odoxa qui estime que le retour de Nicolas Sarkozy est malgré « tout » un succès : « A part jean-François Copé personne n’avait fait pire jusqu’ici sur notre indicateur ». Mais, le sondeur poursuit : « come-back raté ? Pas forcément ». L’ancien Président est jugé « dynamique (83%) », « courageux »(68%), « compétent » (53%). Tout s’éclaire.
Des projets de journalisme robot sont à l’étude. Peut-être est-ce l’avenir de « C dans l’air » qui a de plus en plus de mal à renouveler ses doxosophes.