S’il faut en croire les bruits médiatiques, Nicolas Sarkozy prépare son retour en politique pour 2014. Il y serait encouragé par les sondages (AFP, 13 décembre 2013). On ne doute pas un instant qu’un homme autant possédé par la passion politique n’a pas besoin d’eux pour nourrir son désir. Les sondages offrent seulement une justification à l’ambition et une ressource contre les adversaires. De sondages en sondages, Nicolas Sarkozy devance largement ses rivaux de droite. Sans parler de son successeur, au plus bas dans les cotes de popularité et écrasé par son devancier dans tout duel sondagier (cf. « L’image de Nicolas Sarkozy auprès des Français », Ifop-Le Figaro Magazine, 11 décembre 2013).
Pourtant tous ces sondages produisent des artefacts (cf. A comme... artefact). Quel est en effet le sens d’une répétition de l’élection présidentielle un an après la vraie élection présidentielle. Quel est le sens d’une comparaison entre celui qui est au pouvoir et celui qui n’y est pas ? Et encore de faire un palmarès des prétendants, déclarés ou non, des années avant une échéance ? Les cotes de popularité avantagent toujours les figures anciennes au détriment des nouvelles [1]. En offrant des noms au choix des sondés, la notoriété et la popularité vont aux plus connus. Selon un cercle autoproduit, les médias consacrent les plus populaires des sondages qui consacrent les plus médiatiques. Il faut donc paraître sur scène. A ce jeu, il est très difficile pour un nouveau prétendant d’apparaître. Et facile à un ancien de ne pas disparaître. Si l’on soumettait le nom de l’abbé Pierre disparu depuis longtemps, il obtiendrait encore bien des suffrages. A cet égard, Nicolas Sarkozy a inauguré en France une stratégie de « pipolisation » par un tour de France effectué dans le sillage faussement modeste d’une épouse qui chante devant des auditoires de sympathisants politiques. Par quel miracle de l’affinité, le goût musical rejoint-il les convictions politiques ?
Pourquoi s’interroger sur le sens de consultations virtuelles sur des sujets qui ne se posent pas, auprès d’internautes qui ont le temps de participer à ces opérations manipulatrices par ressentiment, par désœuvrement ou par incompétence ? Il suffit qu’elles servent aux entrepreneurs politiques et aux communicants. On se demande jusqu’où ceux-ci prennent au sérieux les chiffres. Pour quelques uns, la crédulité n’exclut pas le cynisme. La plupart n’ont pas les moyens de la critique. On pourrait se moquer de ces jeux et de ceux qui y participent s’ils ne donnaient une image dévaluée de la compétition politique et donc de la démocratie.