Si les conditions de production des sondages élyséens ont subi « quelques » modifications depuis la parution, il y a tout juste un an, du rapport de la Cour des comptes à l’origine de l’OpinionGate, les allégeances de l’entreprise de sondage Opinionway ne semblent quant à elles pas avoir beaucoup évolué comme en atteste la livraison de son politoscope du 1er juillet 2010 publié dans Le Figaro du même jour.
98% des sondés en ligne par OpinionWay sont favorables aux mesures de réduction du train de vie de l’Etat que présentait quelques jours plutôt Nicolas Sarkozy. 88% se prononcent par ailleurs pour une politique de rigueur que s’apprête à adopter le gouvernement, même si l’emploi du mot lui-même demeure encore tabou. Voilà de quoi réjouir, enfin, un président de la République, affublé depuis longtemps de cotes de popularité guère favorables. Pour Denis Jeambar directeur-adjoint de l’entreprise de sondage, de tels scores, qui ne sont pourtant pas sans rappeler ceux des consultations électorales de régimes totalitaires, sont la preuve que : « Les Français n’ont pas les pudeurs sémantiques de nos dirigeants ni leur prisme partisan. Pour eux, la rigueur ne correspond pas à une orientation politique particulière. C’est la saine gestion des deniers de l’État et la chasse aux dépenses superflues. ». Et le Figaro de renchérir : « Cette conception neutre de la rigueur, comprise par les sondés dans son acception la plus courante, explique le faible écart entre les réponses des sympathisants de la droite et celles des sympathisants de la gauche ?. Preuve qu’en la matière, les clivages politiques ne jouent décidément pas ».
Difficile, pour ne pas dire impossible, cependant d’imaginer, notamment en période de grave crise économique et financière, des réponses plus favorables aux mesures proposées par Nicolas Sarkozy et aux questions posées par OpinionWay [1]. Il s’agit donc comme d’habitude d’une manipulation, qui plus est grossière. Si la question de la réduction drastique de la vie de l’Etat est illustrée par plusieurs mesures sur lesquelles les internautes sont appelés à se prononcer, la question de la politique de rigueur n’est quant à elle illustrée par aucune proposition (on pense par exemple au bouclier fiscal de plus en plus contesté). Que peuvent donc bien signifier alors ces 88% . Rien, du moins rien de favorable quant à la politique future que va adopter le gouvernement, comme le confirme à sa manière un conseiller de Nicolas Sarkozy, peu sondophile il est vrai, Henry Guaino : « Dans cette enquête, il était question du train de vie de l’Etat et non d’une politique économique restrictive. Que veut dire ce chiffre de 88% ? » (Le Parisien, 4 juillet 2010). Que les mots et les choses puissent n’avoir qu’un rapport très éloigné voire aucun, OpinionWay et le Figaro n’en ont cure. On le savait déjà, mais en cela aussi ils n’ont pas changé.