observatoire des sondages

Sondage pousse au crime : CSA récidive

dimanche 15 août 2010

Une semaine à peine après avoir effectué un sondage pousse au crime sur les propositions faites par Nicolas Sarkozy pour lutter contre l’insécurité, CSA a réitéré l’exercice (cf. Marianne 14 août 2010). Est-ce le peu d’échos faits à son étude parue le 6 août dans l’Humanité, contrairement à celle de l’Ifop, plébiscitant les dites propositions (cf. Le Figaro 5 août 2010), qui a incité l’entreprise de sondage à renouveler l’opération, et à "reprendre la main" ? Le choix de l’hebdomadaire Marianne, difficilement soupçonnable
de complaisance à l’égard du pouvoir actuel et du locataire de l’Elysée en particulier, pourrait le laisser croire. D’autant que la une du précédent numéro de l’hebdomadaire, traitant Nicolas Sarkozy de voyou, avait déclenché, sans surprise, la colère des membres de la majorité présidentielle, mais également des interrogations de la part d’élus socialistes et même de journalistes, sur la pertinence ou la légalité du qualificatif (cf. Pierre Moscovici, RMC, 9 août 2010 ; C dans l’air, France5, 11 août 2010).

Les résultats de ce nouveau sondage n’ont, comme le précédent, aucun des atours du plébiscite organisé par l’Ifop, à la grande satisfaction du directeur de Marianne, comme d’une partie de la presse, (cf. par exemple Libération, 14 août 2010 ; Lepost.fr, 14 août 2010). Le reste (Le Monde, 13 août 2010 ; Le Figaro, 13 août 2010 ; Le Parisien, 13 aoüt 2010) relevant principalement le caractère contradictoire de l’étude CSA par rapport à celle de l’Ifop. Rien d’étonnant de prime abord puisque contrairement à cette dernière, la plupart des questions de CSA portent sur l’efficacité de la politique de sécurité menée jusqu’à présent par Nicolas Sarkozy, depuis qu’il fut ministre de l’intérieur, c’est-à-dire 8 ans. Le jugement des sondés n’est certes pas favorable au président de la République actuel [1] , mais le démenti, au sens strict du terme, apporté par les sondés ne concerne qu’une seule mesure [2] et n’atteint qu’une faible majorité (51%), le reste n’étant pas soumis à leur évaluation. Quitte à comparer autant comparer ce qui est comparable ! Non ? Ce n’était sans doute pas l’objectif de ce sondage pousse au crime. Il suffit de noter la présence d’une question relative à la déchéance
de la nationalité française pour les Français exilés fiscaux, qui « ne méritent pas » pour 66% des sondés la nationalité française. Peut-on par ailleurs s’estimer satisfait lorsque 75% seulement des sondés considèrent que les Français d’origine étrangère sont des Français à part entière, 22% affirmant le contraire. Difficile de certifier qu’il s’agit pour ces 22% restants, d’une simple provocation aux vertus pédagogiques à destination de Nicolas Sarkozy ou de son épouse. CSA et Marianne se sont donc laissés tenter par la surenchère. Combat de sondage, le mien contre le tien, telle est la logique dans laquelle s’inscrivent ces trois sondages successifs. Jean Daniel Lévy [3] et Jérôme Fourquet [4] ne croient d’ailleurs pas si bien dire lorsqu’ils assurent, soucieux surtout de ne pas apparaître en opposition frontale, que leurs études sont "complémentaires" (cf. AFP 13 août 2010).

Il faut avoir atteint un taux de sondo-dépendance pour le moins préoccupant, être peu au fait de la fabrication des sondages d’opinion, avoir une faible connaissance des sciences humaines en la matière, voire les trois à la fois, ou simplement faire de la politique, pour décréter comme le pdg de Marianne : "que les Français s’inscrivent imperturbablement dans la philosophie de 1789", et adopter un ton triomphal en ouverture de son article : « La claque est monumentale ».


[169 % des sondés estiment sa politique « plutôt inefficace » ; 68% que la suppression de la police de proximité a contribué à l’augmentation de la délinquance ; 73% que les inégalités sociales constituent la principale cause de cette dernière, etc.

[2Celle de la déchéance de la nationalité pour les meurtres de forces de l’ordre ou les actes graves commis par des Français d’origine étrangère.

[3Directeur du département Politique opinion de CSA.

[4Directeur adjoint du département Opinion de l’Ifop.

Lire aussi

  • Sondages pousse-au-crime (I) : Rumeurs et coronavirus

    17 février 2020

    Les sondages sur tout et n’importe quoi existent depuis « toujours ». Leur immixtion dans l’espace public a longtemps concerné la vie politique et les élections. Ce temps semble définitivement révolu. (...)

  • Sondage à grand spectacle : les « Français » et la torture

    21 juin 2016

    L’information est suffisamment sensationnelle pour être reprise par l’AFP et la majorité de la presse française : « la possibilité de la torture est acceptée par plus d’un Français sur deux » (21 juin (...)

  • Sondage fiction

    4 octobre 2014

    Le sondeur Harris Interactive annonce avoir mis au point un nouveau dispositif d’évaluation des prestations télévisées :
    "Paris, le 3 octobre 2014 - A l’occasion de l’émission « Des Paroles et Des (...)