C’était promis, juré. Après la frayeur qui leur fut causée par la proposition de loi sénatoriale sur la régulation des sondages, les sondeurs avaient assuré qu’ils avaient corrigé leurs pratiques [1]. Plus besoin de légiférer. Un an plus tard, on n’est pas convaincu par leur production. D’autant plus que la généralisation des sondages en ligne permet d’interroger à tout va et sans aucun critère de représentativité. Ainsi, en suivant, deux sondages aux sujets parfaitement fantaisistes, pour ne pas dire absurdes, semblent avoir été pris au sérieux par les médias.
Le premier assure que les Français sont favorables à un gouvernement d’union nationale (Ifop-Jdd, 28 avril 2013). Il fut un temps où ils étaient systématiquement favorables à la cohabitation [2]. C’est la version sondagière du baiser Lamourette [3] ou des bisounours. Ils aiment que les autres s’aiment. Simplement, les deux derniers cohabitants Jacques Chirac et Lionel Jospin ont jugé que la cohabitation était insupportable et ont fait voter par référendum la réduction du mandat présidentiel à 5 ans pour éviter toute nouvelle cohabitation. Et, n’en étant plus à une absurdité près, nos sondés classent sur le podium des favoris pour l’union nationale François Bayrou (aucun responsable UMP n’était proposé), Martine Aubry et… Louis Gallois.
Le deuxième saisit le prétexte du premier anniversaire de l’élection de François Hollande : une sacrée tentation pour refaire l’élection présidentielle. On n’y résista donc pas puisque ce n’était qu’un jeu qui allait faire de la publicité au sondeur et au média commanditaire, une télévision en continu qui a donc besoin d’actualité permanente, au besoin en la faisant de toutes pièces (CSA-BFMTV, 29 avril 2013). On trouva donc des internautes pour se prêter au jeu et se prononcer « si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain ». Chacun sachant que ce n’est pas le cas… Le résultat n’était pas décevant pour les amateurs de sensations : le président élu n’obtiendrait que 19 % des suffrages, arrivant derrière Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. On ne sait plus ce qui est le plus accablant : que la presse cite et commente sérieusement ces pseudos événements, que des sondés soient dupes même s’ils ne sont pas représentatifs – ce serait une insulte aux Français - ou les dégâts causés à la démocratie par ces parodies.