La facturation des sondages de l’Elysée a été si élevée que son principal bénéficiaire, Patrick Buisson, l’a justifiée en faisant valoir qu’il était le réalisateur réel des sondages et que les instituts n’étaient que des « sous-traitants techniques » ( Libération, 13 novembre 2009 ; Le Monde, 27 novembre 2009). Les « sous-traitants » n’ont toujours pas réagi, pour protester ou se défendre alors que, à en croire M. Patrick Buisson, ils auraient fait des déclarations mensongères à la commission des sondages qui les mettrait en infraction avec le code électoral (cf. « Sous-traitants techniques »). Laissons cet aspect qui attend sa suite légale pour revenir aux affaires de M. Patrick Buisson. Payé 11900 euros par mois comme conseiller de Nicolas Sarkozy, a-t-on besoin de dire que c’est un gros salaire ? En 2008, sa société Publifact a touché plus de 50 % du montant des commandes de l’Elysée. La remise en ordre de ces finances effectuée par le directeur de cabinet de la présidence à la suite du rapport de la Cour des comptes lui a donc coûté encore plus d’argent. Approximativement 800 000 euros. D’ailleurs, l’Elysée a aussitôt suggéré à divers ministères de commander des études à Publifact. Si l’on en croit M. Patrick Buisson, ces sommes exorbitantes correspondraient à la vraie réalisation des sondages : rédaction des questions, tris croisés et verbatim. Pour un tel travail qui ne saurait mobiliser plus d’une personne à temps plein, le prix serait donc de 66 000 euros par mois. Les chercheurs apprécieront. Ils devraient s’inspirer de l’exemple pour réclamer des augmentations de salaires. Il reste beaucoup à faire tant l’écart à combler est immense et tant leur compétence est grande.
Sur ce dernier point, ils se compareront avantageusement à l’expertise dont se prévaut M. Patrick Buisson. La rédaction des questions ? Il n’est qu’à consulter les différents Politoscopes pour constater que ces questions sont banales et reprennent les formulations habituelles des sondages d’opinion. Les tris croisés ? Dans son assignation pour diffamation publique à l’endroit de Libération et d’Alain Garrigou, M. Patrick Buisson insiste sur cet aspect en prétendant « le plaignant a toujours considéré les sondages les plus affinés comme le meilleur outil de connaissance de cette opinion, sans idée préconçue ». N’importe quel sociologue et statisticien sait bien que les échantillons d’environ 1000 personnes ne peuvent offrir des informations fiables sur des tranches de sous-population statistiquement non significatives parce qu’elles ne comprennent que quelques dizaines d’individus. En invoquant ces tris fins, M. Patrick Buisson trahit son incompétence statistique. Quant à la collection des verbatim, on appréciera le travail de lecture, de sélection et de recopiage de quelques dizaines de citations choisies.
Voila donc le travail et la compétence payés 11900 euros et même 66 000 euros en 2008. 66 000 euros perdus mais qui sont peut-être déjà compensés.
M. Patrick Buisson a porté plainte en diffamation publique contre celui qui avait émis l’hypothèse d’une surfacturation destinée à accumuler un trésor de guerre pour la prochaine campagne présidentielle. Ce qu’on sait des financements politiques conduit fatalement à cette conclusion. La somme astronomique ne correspond à aucun travail réel et à aucune compétence technique. Sans doute s’agit-il aussi du prix du ralliement à Nicolas Sarkozy d’une partie des électeurs du Front National. En remettant la légion d’honneur ( !) à Patrick Buisson, le président l’a clairement laissé entendre. A cet égard, la contribution valait son prix. Quelle contribution ? La connaissance d’un homme d’extrême droite à l’égard des électeurs sensibles aux arguments du FN. Et quelques autres menus services…