observatoire des sondages

Une audience en appel

samedi 6 octobre 2012

Ce n’est pas une mince affaire de trouver le pôle 2, chambre 7, de la Cour d’appel du Tribunal de Grande Instance de Paris. A l’accueil, on reçoit pourtant un excellent plan flêché. Ayant suivi les instructions, on découvre des couloirs, des salles et des petits panneaux. Pour trouver la bonne salle, il fallait simplement regarder au sol, contre la porte. On se sent un peu moins stupide quand on croise une avocate égarée. Il y a beaucoup de robes dans cette salle de la Cour d’appel. On comprend ensuite que la première partie de la séance fixe les dates des audiences avant de passer aux affaires en appel. Il faut dire aussi que le public se réduit à quelques personnes. Je m’en inquiète même et prend la queue des avocats qui vont consulter la greffière pour manifester leur présence et sans doute l’ordre de passage. J’annonce mon « affaire » en me présentant comme un « accusé » et la greffière me corrige avec le sourire, je suis un « intimé ». Avec quelques amis, dont Howard Becker, sociologue de la déviance et adepte de l’enquête ethnographique, nous cherchons place dans la salle exiguë. A peine assis, un gendarme vient nous prévenir que les chaises sont réservées à un prisonnier et ses gardiens. Sans doute, la cour ne juge-t-elle pas que des affaires de presse.

A mesure que le calendrier des affaires en appel est fixé, le bal des robes vide la salle. Enfin les affaires arrivent. Un vieux monsieur approche en claudiquant à l’énoncé de son affaire. Il se désiste. Surprise du tribunal. Il justifie en déclarant que son appel ne sert à rien. Il avait été condamné à un euro. Le vieux monsieur quitte la salle d’un pas lent et triste. Le prisonnier, un solide jeune homme d’origine africaine entre, entouré de deux gendarmes. Il est appelé devant la cour. Il est dé-menotté. Le président l’invite à s’asseoir. Son assesseur décrit l’affaire. Le prisonnier demande à bénéficier d’une réduction de sa peine de deux ans de prison dont un an avec sursis et mise à l’épreuve. Il a été condamné pour rébellion et menaces aux policiers qui l’ont arrêté. Ceux-ci voulaient procéder à un contrôle d’identité en le voyant sur un parking. Avant même d’être interpellé, le jeune homme s’est enfui, a été rattrapé, a repoussé les policiers, reçu un coup de matraque, a été blessé, s’est enfui à nouveau avant d’être repris et maîtrisé. Tout en abreuvant les policiers d’injures et de menace. Le jeune homme a selon ses mots, « pété les plombs », s’est mis à se cogner la tête contre les murs au point d’amener les policiers à lui entraver les pieds et à lui passer un casque de motard, avant de l’amener à l’hôpital ou sa violence contre l’infirmière et contre lui a imposé encore de le maîtriser. Le juge lui demande de s’expliquer en faisant attention à employer les mots les plus simples. Parfois, il se reprend comme un traducteur. Le jeune homme a arrêté ses études en sixième. Il n’a pas grand-chose à dire sinon répéter que deux ans c’est trop. Son avocat développe l’argument. Son client n’a commis aucun délit de vol, il reconnaît les faits incriminés. Simple. Calme, le prisonnier paraît un autre homme que celui qui était habité par une violence extrême. Une précision de calendrier semble alors tout éclairer : le banal contrôle d’identité intervenait un mois après sa libération de prison. Le jeune homme s’était dit qu’avec ses antécédents, il serait forcément suspecté de viser un vol de voiture. Sa colère contre tous et lui-même venait de la peur d’un retour en prison. Les policiers avaient bien fait leur travail, ils étaient aussi le bras du mauvais sort. Le prisonnier a 22 ans, il n’a jamais travaillé, il a passé l’essentiel de sa jeunesse en prison pour des vols et surtout, il n’a pas de chance.

La fin de l’après midi approche quand arrive enfin mon affaire. Le président résume. Il pose une question incidente à l’avocat de Patrick Buisson (Gilles William Goldnadel) sur de fausses nouvelles pièces apportées au dossier pour obtenir sa confirmation : il s’agissait d’éviter la proscription. Cela va en effet faire 3 ans que l’article incriminé a été publié et deux ans que le procès en première instance a eu lieu. L’avocat s’indigne toujours du jugement de la 17e chambre du Tribunal de Grande Instance. Je suis sa cible (une chauve souris mais pas un professeur de droit pénal, etc.) et, à l’inverse, il regrette sa sévérité envers Libération. En vain, tant l’avocat du quotidien (Jean-Paul Lévy) a, cette fois, clairement joué la solidarité des « intimés ». Mon avocate Caroline Mécary rappelle que j’ai fait mon métier en posant des questions sur l’usage de l’argent public et que les anomalies sont avérées. Elle demande la confirmation du jugement de la 17e chambre. Il faut attendre le 7 novembre.

Alain Garrigou

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