observatoire des sondages

Aux baromètres de confiance défaillants la presse reconnaissante

mardi 13 décembre 2022

La réputation d’imposture des enquêtes des sociétés de sondage est faite depuis longtemps dans les milieux scientifiques. Au vu de l’évolution des méthodes et pratiques, dont les multiples fiascos électoraux ne sont qu’illustrations, aucun risque que cela change bientôt. La presse, elle, résiste toujours et encore. Elle continue à leur accorder du crédit et à entretenir donc un semblant de bonne renommée, en les publiant en toute circonstance, qu’elles soient sans intérêt (sauf pour elle et plus généralement ceux qui en vivent), sans fondement, sans valeur, sans possibilité de vérification empirique, et bien sûr, last but not, quels que soient leurs résultats, même lorsqu’ils se contredisent.

Parmi les sondages non électoraux, qui rappelons-le constituent l’essentiel de la production de l’opinion industrielle, les baromètres et cotes de confiance, ou assimilées, des personnalités politiques, et notamment du président de la République, sont celles qui enregistrent le plus régulièrement et le plus fréquemment des résultats contradictoires et des écarts conséquents.

Marronnier indéracinable d’une presse littéralement « antivax » en matière de doxosophie, les cotes de confiance continuent néanmoins même en cette période de relative décrue sondagière à être publiées et commentées sans aucun signe réel de défiance par les professionnels de l’information et les journalistes politiques en particulier. Et pourtant...

Le Canard Enchaîné, qui ne rechigne jamais à apporter sa touche sarcastique à la critique des sondages, vient de conforter (7 décembre 2022), si besoin était, ce constat établi depuis des lustres (cf. au titre d’illustration le cas en fin d’article). L’hebdomadaire satyrique faisait état des récentes des variations contradictoires et des écarts proprement incompréhensibles (au vu de leur ampleur) entre les cotes de confiance d’E. Macron produites par Elabe pour les Echos (1er décembre 2022) et celles de Kantar pour le Figaro (1er décembre 2022). Avec 35% le premier le créditait d’une hausse de trois points sur un mois quand le second enregistrait une baisse pour la même période de 2 points (32%). Quant aux écarts entre les autres mesures des deux baromètres ils sont pour le moins éloquents. Par exemple, 28% des 18-24 ans interrogés faisaient confiance à E. Macron d’après Kantar, 40% selon Elabe. Ils n’étaient par ailleurs que 11% selon Kantar à faire confiance à E. Borne, 25% selon Elabe. Le Canard Enchainé aurait pu évoqué également la cote confiance d’E. Macron d’Harris interactive pour Tf1 (30 novembre 2022) : 44%... Une autre fois.

Incultes ou presque en sciences sociales sinon insensibles aux questions relatives à la nature exacte et réelle de ce que « cachent » (qu’agrègent) ces cotes (cf. Qu’est-ce qu’une cote de popularité ? cf. Mesures d’impopularité voir aussi mot clé popularité), il n’y a rien à attendre de ces journalistes-turfistes pour une part hypnotisés par les vapeurs des cotations des bourses de valeurs sondagières, et de toute façon peu disposés à cesser la diffusion « d’informations » contradictoires, incohérentes, pour ne pas dire aberrantes, surtout quand elles viennent de sondeurs, c’est à dire de leurs collègues de bureau ou quasiment.

Un jour après l’article du Canard Enchainé le quotidien Le Monde rapportait l’inquiétude d’E. Macron à propos du moral des Français confrontés à des risques de coupures d’électricité. Gageons que si aucun sondeur ne parvient à calmer les inquiétudes présidentielles le directeur du Service d’Information du Gouvernement saura « corriger » les résultats des sondages en contradiction avec les désirs du chef de l’Etat [1]. NB : article à venir.

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[1"Les notes sont régulièrement édulcorées. Il y a vraiment une volonté de plaire à l’exécutif lié à des considérations de carrières personnelles qui priment sur les missions d’intérêt général du SIG, et ça ne rend pas service au politique. Cf. Géraldine Hallot et Stephane Jourdain (Radio-France, Suspicion de management « toxique » au Service d’information du gouvernement, 5 décembre 2022.

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