observatoire des sondages

Brexit or not : la peur en question

mardi 21 juin 2016

Majoritaires dans deux sondages parus le 16 juin [1], jour de l’assassinat de la députée travailliste Jo Cox favorable au maintien du Royaume-uni dans l’Union européenne, les opinions en faveur d’une sortie de l’Union ne le sont plus depuis le 18 au soir [2].

Moins prudente que les sondeurs, la presse a attribué ce recul du Brexit à l’assassinat de la députée, évoquant un effet "Jo" à moins qu’ils se satisfassent prudemment d’un "retournement de tendance" (cf. par exemple The Mirror, 19 juin 2016) ... comme les sondages favorables au Brexit une semaine plus tôt (cf. Evening standard, 16 juin 2016). Les yoyos politologiques ont d’autant plus la vie dure qu’ils entretiennent le suspens. La grille de lecture reste toujours la même, les variations éventuelles des scores étant attribuées à la concomitance des événements le tout saupoudré de "volatilité électorale" façon de dire qu’une partie des électeurs sont des girouettes toujours imprévisibles tout en préservant l’instrument de mesure.

Les partisans du maintien n’ont pas ménagé leur peine pour dramatiser le scrutin en énumérant les dangers et les menaces en cas de Brexit qui était donné gagnant le 16 (53% contre 47%) au grand dam du “camp” du maintien surpris par ce résultat une semaine avant le scrutin. C’était "oublier" que les sondages sont aussi pour des sondés une opportunité d’exprimer si ce n’est leur colère, du moins la possibilité de marquer même quelques jours avant une consultation électorale leur désapprobation, sans que celle-ci ne présage le jour "j" d’un passage à l’acte. Autrement dit les sondés répondent à une autre question que celle qui leur est posée stricto sensu. Un classique du genre en matière électorale et dilemme bien connu notamment en matière référendaire. Les électeurs ne vont-ils répondre qu’à la question qui leur est posée ?

Le contexte actuel de défiance à l’échelle de l’Europe à l’égard des institutions de l’Union et de leur fonctionnement se prête à une telle manifestation. Des sondés répondent à la question posée sans forcément se projeter dans un avenir proche (le scrutin) comme les y invitent les sondeurs. Une manifestation d’humeur en somme sans "conséquence". Si l’on s’en tient au score annoncé en faveur du Brexit, un écart relativement faible par rapport au maintien dans l’Union, les inquiétudes des tenants du maintien si légitimes soient-elles, étaient probablement exagérées. L’expérience eut été en tout cas intéressante si... un assassinat n’avait déjà brouillé l’analyse. Au type de sondage le moins risqué pour les sondeurs - sur un référendum offrant l’alternative oui/non - les sondeurs britanniques, habitués des contre-performances, vont avoir les explications pour n’importe quel résultat : le leur et celui de l’élection.

Résultat de l’épreuve jeudi 23 juin 2016.


[153% contre 47%, cf. Ipsos-Mori, Evening standard, 16 juin 2016 ; 52% contre 48%, cf. Survation, IG Group, 16 juin 2016

[2Les résultats ont circulé sur les « réseaux sociaux » avant leur publication dans la presse. (42% contre 45%, cf. Survation, The Mail on Sunday, 19 juin 2016 ; 43% contre 44%, cf. You Gov, Sunday Times, 19 juin 2016)

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