observatoire des sondages

A quelques heures du premier tour de la présidentielle les efforts des sondeurs et de la presse pour accréditer l’idée qu’une partie importante des électeurs [1] ne serait pas encore sûre de son vote ne se dément pas. Une manière de prévenir toute accusation de tromperie ?

Sud-Ouest affirme, sur la foi d’un sondage BVA, que « Macron et Le Pen distancent Fillon et Mélenchon », mais il prévient qu’ « un tiers des électeurs peut changer d’avis » (19 avril 2017). Même son de cloche au Monde, sondage Ipsos-Cevipof à l’appui : « tout reste possible », répond un éditorialiste à une remarque d’un internaute sur les « l’écart resserré mais toujours élevé entre Macron-Le Pen et Fillon Mélenchon » (19 avril 2017). Idem à La Croix, qui reprend à son compte l’enquête Ipsos-Cevipof-Le Monde, y ajoute celle de Kantar pour le Figaro (18 avril 2017) et annonce : « Présidentielle : à J-3, des électeurs plus indécis que jamais » (20 avril 2017).

Sondeurs et médias ont beau répété sur tous les tons que les sondages ne sont pas une prédiction, ils savent très bien que ces chiffres ne manqueront pas d’être comparés aux résultats réels. Une comparaison que les marchands d’opinion ne seront pas les derniers à faire. La précision de leurs évaluations étant un facteur important de leur réputation auprès des clients qui occupent principalement leur quotidien par leurs commandes d’enquêtes marketing : les entreprises commerciales, les industriels, les annonceurs, etc.

Les incertitudes demeurent donc du moins chez les commentateurs trop impatients pour se taire. La politologie voit dans ces revirements de la volatilité, sans trop s’interroger sur la sincérité et surtout sur la fiabilité des réponses fournies par les sondés [2]. Des sondés volatiles, des girouettes, que la novlangue sondagière a prénommé « changeurs ». Sondeurs et politologues n’ont toujours pas compris le principe fondateur des sciences sociales à savoir : que les agents sociaux ne disent pas ce qu’ils font et ne font pas ce qu’ils disent, du moins pas assez pour qu’on les croit sur parole. C’est en l’occurrence ce que rappellent Jean-Yves Dormagen et Céline Braconnier [3] à propos du niveau d’études déclaré par les sondés dans des enquêtes par sondages (preuve à l’appui, publiée dans Les Echos, 18 avril 2017, cf. ci-dessous).

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Alors « changeurs » eux aussi ? Sur les diplômes en l’occurrence menteurs serait plus approprié.


[1Un tic de langage qui ne passe toujours pas. Il serait d’autant plus raisonnable de parler de sondés que les biais affectant la représentativité des échantillons se sont accrus.

[2Cf. à ce propos Volatilité : le retour ; Fluidité, volatilité, à quoi ça sert ? ; V...comme volatilité.... Question encore plus prégnante pour les intentions de vote récoltées (soutirées ?) à des dates éloignées des scrutins.

[3Professeurs de science politique.

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