La fin des élections départementales sonne l’heure du (dépôt de) bilan pour les sondeurs. Comme on pouvait s’y attendre - les scores du premier tour du scrutin en avait donné un avant gout - il est mauvais. Mais l’accumulation de mauvais résultats (les scrutins des années précédentes n’ont guère été « souriants ») ne semblent, pour l’instant, pas trop les gêner.
De fait aucun sondeur n’a publié ou osé publier un banal sondage d’intentions de vote sur un canton précis voire un département durant la semaine précédant le second tour. Ceux publiés par l’Ifop (Le Figaro Europe 1, 26 mars 2015) et Harris interactive (LCP, 27 mars 2015) sont des bricolages au niveau national avec les biais rédhibitoires habituels... « bien sûr » (échantillon non représentatif, circonscription imaginaire, absence d’abstention, etc.). Échaudés peut-être par ces piteuses performances, les autres se sont abstenus ou, comme CSA, se sont contentés d’un fumeux sondage de souhait de victoire. Nous n’aurons donc pas la cruauté de nous référer à cette poignée de sondages fantoches pour clore le bilan des sondeurs mais à l’objet principal qui a nourri et entretenu l’excitation médiatique ces derniers mois : le Front National et sa victoire annoncée. L’enquête de l’Ifop prévoyait entre 50 et 110 cantons pour le FN (du simple au double), le sondeur ne pourra pas louer la providence de lui avoir sauvé la face. Le parti d’extrême droite obtient au final 62 conseillers départementaux sur un total 4 108 conseillers répartis dans 2054 cantons (source, Ministère de l’intérieur, mars 2015) tout en perdant le seul conseiller sortant. Un gain notoire certes tout comme la surestimation du sondeur.
Mais c’est Odoxa et ses singuliers commentaires pré et post-électoraux pour le Parisien et pour l’hebdomadaire Les Echos (quelques heures après le scrutin) qui résument à eux seuls le bilan de la corporation.
« Le rapport de force que nous enregistrons dans notre enquête sur les élections départementales dans l’Aisne confirme le poids du Front national dans le département, et montre même qu’il aurait de très grandes chances de l’emporter » (Le Parisien, 18 mars 2015)
« Pour le Front national ces élections représentent une demi-déception on pourrait dire puisque ils auraient pu gagner un ou deux départements à partir des scores du premier tour qu’on avait observés. Il était mécaniquement possible que le Front national gagne des départements. Ce n’est pas le cas c’est donc une sorte de déception du côté du FN. Mais n’oublions pas que ces élections constituent une victoire malgré tout puisque au soir du premier tour il est arrivé en seconde position derrière l’UMP. Il était le 2e parti de France après avoir vécu des élections européennes où il sortait en première position. Ces élections vont pouvoir permettre au FN d’avoir de très nombreux conseillers départementaux, donc de développer une implantation locale qu’il n’a pas pour le moment seulement 2 députés sont issus du FN aujourd’hui » (Les Échos, 29 mars 2015).
Nul ne sait si la déception des responsables du FN est liée aux prévisions du sondeur. Nul ne peut affirmer non plus si les propos du sondeur lui ont été soufflés par le Front National. Mais ce sont les mêmes...