observatoire des sondages

« Des réformes... et vite » : quand la réponse est dans la question

mardi 18 octobre 2016

Huit Français sur dix (81%) se disent favorables à la tenue de référendums sur de grandes réformes lors des trois premiers mois suivant l’élection présidentielle de 2017, selon un sondage Ifop pour le Think tank de droite, Synopia, publié lundi et qui ressemble étrangement à un push poll, faisant dire aux sondés ce que les commanditaires veulent entendre (Le Figaro 16 octobre 2016). [1]

- A la question « Souhaiteriez-vous que le prochain président consulte les Français par référendum afin de vous faire approuver ses grandes réformes ? », 81% des Français répondent par l’affirmative, contre 19% qui n’y sont pas favorables.

« Premier » biais puisqu’il s’agit de demander à des gens s’ils veulent être interrogés par référendum. Qui pourrait être contre sa propre consultation ? Difficile de dire : « non je ne veux pas être consulté ». Quand on sait que cette question ne vaut que pour appuyer certains candidats à la primaire de la droite et du centre [2], cela revient à utiliser une procédure de consultation directe pour appuyer un représentant et donc à faire entrer les questions dans les rails de la tactique électorale. Ruse de la raison.

Il est d’autant plus difficile de pas répondre que l’échantillon est interrogé par internet où il y a un ou deux euros à gagner. Et où les internautes comprennent bien qu’il faut avoir une opinion pour les gagner. D’ailleurs, aucune question du sondage n’est laissée sans réponse. Tout le monde a donc une opinion. La preuve : ils la donnent et la donnent « bien ». Comment pourraient-ils faire autrement ? [3]

- Autre question : « Personnellement, seriez-vous prêt à soutenir un courant politique réformateur, qui dépasserait pour un temps le traditionnel clivage gauche/droite et s’engagerait à mettre en œuvre les réformes économiques, fiscales et sociales dont la France a besoin depuis plus de 20 ans ? »

A nouveau, qui pourrait être contre les réformes ? Qui pourrait être contre un rassemblement des bonnes volontés échappant au « traditionnel clivage droite-gauche » ?

Combien d’internautes ont-ils accepté de se laisser ainsi manipuler ? Au moins ce sondage offre-t-il une information sur la sottise d’un sondeur, d’un média et de quelques sondés. Grande, à moins que ce ne soit du cynisme. Pas très subtil non plus.

Il est vrai que le titre du Figaro ne laisse pas d’ambiguïté : « Les Français plébiscitent les réformes ». Les auteurs n’ont pas semblé s’apercevoir que leur procédé ressemble fort aux procédures de ratification qui régissent les dictatures.


[1Rappel : un push poll est un sondage destiné à promouvoir une cause ou un parti au cours des campagnes électorales ou d’autres mobilisations politiques. De fait, il ne s’embarrasse pas de rigueur méthodologique, puisqu’il s’agit avant tout de mobiliser ses partisans.

[2Comme Nicolas Sarkozy qui a promis d’avoir recours à la procédure référendaire

[3Sondés qui ne s’inquiètent guère de la cohérence de leurs réponses : 73% affirment que « Les tensions sociales qui existent dans notre pays et l’état notre système de gouvernance empêcheront le futur Président de la République de mener à bien ses grands projets de réformes » et 27% que « Fort de sa légitimité, le futur Président de la République parviendra à mener à bien ses grands projets de réformes ». Pourquoi alors, dans un cas comme dans l’autre, souhaiter à 81% le recours au référendum ?

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