Aux élections du printemps 1928 de la République de Weimar, les socialistes obtiennent 29,76% des voix, le Zentrum (catholiques, centre droit) 10,62% et le PPA (Parti populaire allemand) 8,7%. Leur coalition forme un gouvernement dirigé par le social-démocrate Hermann Müller. Les partis extrémistes sont encore faibles : 10,62% pour les Communistes, 2,69% pour les Nazis ; enfin 14,26% pour un parti très à droite, le Parti Populaire National Allemand (PPNA) de Alfred Hugenberg.
Le gouvernement de Hermann Müller s’avère incapable de gérer la crise de 1929. Il démissionne et est remplacé le 28 mars 1930 par un membre du Zentrum, Heinrich Brüning ; celui-ci mène une politique déflationniste ayant pour effet d’aggraver la crise (montée du chômage) et de provoquer une fronde du Reichstag conduisant à une dissolution de celui-ci et à de nouvelles élections en septembre 1930, alors que Brüning gouverne par décrets-lois (un équivalent du « 49-3 ») avec l’appui de fait des socialistes et du Zentrum dont il est membre.
Les élections de septembre donnent lieu à une forte montée des extrêmes, notamment des Nazis qui passent de 2,69% à 18,25% (le gain de 15,5 points se fait au détriment du PPNA qui n’obtient plus que 7,03%, une perte de 7 points, des petits partis et de l’ensemble des partis socialiste et communiste). Le Parti communiste gagne des voix, étant alors à 13,13%, un gain de 2,5 points alors que le Parti socialiste est à 24,53%, une perte de 5,2% ; les scores de ces deux partis expriment la radicalisation qui s’opère sous l’effet de la montée du chômage ; certains électeurs ayant voté socialiste en 1928 se sont tournés vers le Parti communiste ou même parfois vers les Nazis alors que certains communistes ont pu eux « basculer » vers le nazisme.
La situation économique est de plus en plus grave ; la situation politique aussi : les SA complotent, et à l’intérieur même du Zentrum, Franz Von Papen (qui se situe dans la petite frange très à droite du parti) complote contre Brüning en vue de créer une grande alliance de droite dont il serait l’architecte et le chef, avec les Nazis. Le gouvernement faible de Brüning essaie de mettre de l’ordre dans le pays et décide, par un décret d’avril 1932 préparé par le général Wilhelm Groener (ministre de l’Intérieur et des armées) d’interdire les SA et les SS. C’en est trop pour les « Patriotes », Von Papen et ses amis : Brüning doit démissionner !
L’élection présidentielle se déroule les 13 mars et 10 avril 1932. Les Socio-démocrates ont compris le danger que représente Hitler et les Nazis : ils décident de faire alliance avec la droite non fasciste dont le candidat est le maréchal Hindenburg en ne présentant pas de candidat de leur parti : grâce à cela, Hindenburg obtient 49,54% au premier tour alors que Hitler obtient 30,12% et ses alliés potentiels et amis de Von Papen, le PPNA, 6,79% (soit 36.91% si on les additionne), le Parti communiste obtenant de son côté 13,24%. Au deuxième tour, le 10 avril 1932, Hindenburg est élu avec 53,05% suffrages, Hitler obtenant 36,77% (à 0,14% près, l’addition évoquée précédemment) et le candidat communiste 10,16%. Il faut bien voir que si les socialistes avaient présenté un candidat, le score de Hindenburg au premier tour eut été au plus de 30% environ, à égalité avec Hitler, et le maintien de ce candidat au deuxième tour aurait signifié la victoire d’Hitler.
Les dirigeants du KPD n’ont alors pas d’état d’âme ; ils obéissent aux ordres du Kominterm, c’est-à-dire de Staline, et développe la théorie du « social-fascisme » : en gros, « Social-démocratie et Nazis, même combat » ! Il ne faut pas non plus oublier que, malgré leurs combats de rue sans merci avec les SA, existe une certaine proximité idéologique fondée sur l’anticapitalisme, entre eux et ce qui constituait l’aile « gauche » du Parti nazi des frères Strasser. Au moment de l’élection présidentielle, l’anticapitalisme de Gregor Strasser, le numéro 2 du Parti, n’était cependant plus qu’une façade ; le programme qu’il va d’ailleurs développer à l’automne, à la veille des nouvelles élections législatives, a de quoi satisfaire le patronat allemand.
Malheureusement pour l’Allemagne et pour le monde, cet échec de Hitler ne diffère que de moins d’un an son arrivée au pouvoir.
L’échec économique de Brüning, les conseils du général Kurt Von Schleicher (ancien chef de l’Armée) qui vient de se brouiller avec celui qui fut son mentor, le général Wilhelm Groener, et surtout la pression de Von Papen et de ses amis, les « barons » des affaires, poussent le Président à mettre en selle Von Papen qui trépignait d’impatience. Le 30 mai 1932, Von Papen est nommé chancelier par Hindenburg, avec l’appui du général Von Schleicher, après avoir quitté le Zentrum juste avant d’en être exclu. L’interdiction des SA voulue par Groener est annulée le 17 juin ; Von Papen décide de dissoudre le Reichstag, une opération de « clarification ».
Les élections qui suivent en juillet 1932, dans un contexte de brutalisation de la vie politique de plus en plus marquée, confirment la poussée des Nazis dont le score atteint 37,27%, un gain de près de 20 points par rapport à septembre 1930, alors que le PPNA très proche enregistre une légère baisse, à 5,91% ; les Communistes progressent encore légèrement (14,32%) alors que les Sociaux-démocrates continuent leur descente (21,58%).
Soutenu par les « barons », les grands patrons de l’industrie, Les intrigues compliquées et permanentes de Von Papen finissent par lasser ceux qui le soutiennent, notamment Schleicher qui ambitionne de lui succéder, ce qui sera le cas. Papen intrigue notamment avec ses amis du PPNA pour trouver une alliance avec les Nazis sans que Hitler devienne chancelier, car il veut conserver ce poste.
Après une nouvelle dissolution, les élections législatives de novembre 1932 confirment le caractère ultra-minoritaire du Gouvernement. Elles donnent lieu à un léger tassement du Parti nazi qui perd 4 points, partiellement compensé à l’extrême-droite par la progression du PPNA qui en gagne 2 ; de son côté, le Parti communiste poursuit sa progression, atteignant 16,86% soit +2,5 points, alors que les Sociaux-démocrates ne sont plus qu’à 20,43%.
A la suite de cette élection, Hindenburg se sépare de Von Papen et, le 3 décembre 1932, nomme Schleicher à la chancellerie ; celui-ci a pour mission de s’opposer aux violences des SA en les amadouant et de lutter contre le chômage par la promotion d’une politique qu’on qualifierait aujourd’hui de « keynésienne ». Il sait que, désormais, Gregor Strasser est le concurrent de Hitler ; espérant casser en deux le Parti nazi, il propose, dès son entrée en fonction, à Strasser d’être vice-chancelier ; celui-ci tergiversera, ne voulant pas susciter un affrontement à l’intérieur de son parti. Le plan de Schleicher ne marche donc pas ; il ne restera pas longtemps chancelier, victime d’une certaine façon des coups tordus de ... Von Papen et des Conservateurs qu’il représente ! Ce dernier se raccroche au pouvoir : n’étant plus chancelier, il propose une solution dans laquelle Hitler serait chancelier (avec seulement deux ministres, Wilhelm Frick (au ministère stratégique de l’intérieur et Goering) et lui vice-chancelier tirant les ficelles d’un gouvernement dominé par les Conservateurs ; il pense pouvoir domestiquer les Nazis et en faire des gens raisonnables ! Après avoir longuement hésité, Hindenburg accepte et demande à Schleicher de démissionner : le 30 janvier 1933, Hitler est chancelier.
La suite est bien connue : l’incendie du Reichstag le 27 février, imputé aux Communistes, des élections marquées par des intimidations, des arrestations arbitraires de dirigeants (notamment communistes) et des trucages, le 5 mars, les dernières, donnant les résultats suivants : Nazis 43,91%, PPNA 7,97% (la somme des deux dépassant 50%) ; malgré les intimidations et les violences la social-démocratie obtient 18,25%, le Zentrum 11,25%, les communistes 12,32.
Le 24 mars, après l’internement ou la fuite des élus communistes, le Reichstag vote une loi spéciale autorisant Hitler à gouverner par décrets ; seuls les Sociaux-démocrates voteront contre. Il fallait une majorité des deux tiers pour l’adoption de cette loi, elle fut obtenue. Les élus du Zentrum votèrent pour, par peur de représailles personnelles pour certains d’entre peut-être et surtout dans la crainte que le projet de concordat concocté au Vatican par Von Papen ne soit pas avalisé.
A partir de là, le grand nettoyage pu commencer : assassinats de nombreux élus ainsi que de l’entourage de Von Papen lui-même, assassinat de Von Schleicher et de sa femme, déportations, nuit des longs couteaux avec l’assassinat de Gregor Strasser, etc. Et, naturellement, suppression des partis politiques à l’exception du Parti nazi. Grâce à Hindenburg, Von Papen ne sera pas assassiné ; mieux même : on en fera un ambassadeur, les deniers de la trahison.