Cette jurisprudence n’a certes jamais dissuadé les sondeurs d’agir à leur guise. L’Ifop notamment (cf. « Faux et usages de faux : les hypothèses de second tour ») qui a récemment récidivé (cf. les 4 vagues du baromètre Ifop Fiducial, LCI, le Figaro). Le sondeur allant jusqu’à maquiller les notices envoyées à la commission. Un semblant de crainte, de scrupules ? Une précaution presque risible vu la bienveillance proverbiale de ses magistrats à l’égard des entreprises de sondages.
Il faut croire que la prescription de la commission, voire une hypothétique remontrance, étaient encore trop attentatoires à leur liberté. La commission a donc fini par avaliser cette pratique [2]. Les deux motifs avancés pour justifier ce revirement radical sont assez consternants pour une institution de contrôle composée principalement de hauts magistrats.
Prétexter que la proscription de tels sondages les renverrait à la clandestinité, comprendre confidentialité, revient à « oublier » que les sondages confidentiels (non publiés) ne sont pas du ressort de la commission, comme elle l’a rappelé à quelques occasions (lors de fuites dans la presse). Plus simplement : que des sondages confidentiels soient minés par des biais et manipulatoires n’est pas son problème.
Autrement dit : ce n’est qu’un sondage, ce qui n’est pas possible à un moment peut l’être à un autre, pourquoi embêter les sondeurs pour si peu ? Mais quelle mouche a piqué la commission ? Elle lui a fait perdre manifestement sa raison d’être, celle de faire respecter la loi et notamment l’article 5 (qui lui n’a pas changé) de la loi de 1977 : « assurer dans le domaine de la prévision électorale l’objectivité et la qualité des sondages publiés ». Disposition sur laquelle elle se fondait jusqu’alors pour proscrire les hypothèses impossibles.
Qu’est-il arrivé à la commission pour que celle-ci en vienne à renier aussi radicalement et ouvertement son rôle, « veiller par son contrôle à la préservation de la sincérité du scrutin (...) à ce que la publication de sondage ne contribue pas à la fabrication artificielle de l’offre politique et à la constitution de rapports de force électoraux déconnectés de la réalité politique » [3].
A croire que les sondeurs ont infiltré l’institution. La conclusion du rapport de sa nouvelle jurisprudence apporte un début de réponse.