observatoire des sondages

Imperturbable commission des sondages

mardi 27 décembre 2016

La commission des sondages ne produit pas tant de rapports d’activité pour qu’on ne signale pas l’édition du dernier [1]. D’autant plus que la presse ne lui consacre pas les premiers titres comme elle le fait si souvent avec les sondages qui sont l’objet du contrôle. Le rapport publié en décembre 2016 fait donc le bilan pour 2 ans émaillés de 3 élections et d’une réforme des sondages. 

La commission rend d’abord compte du nombre de sondages de ces élections : départementales de mars 2015 et régionales de Décembre 2015, respectivement 33 et 146 (contre 88 en 2010 pour ces dernières). L’activité de contrôle s’est limitée à 3 mises au point. Sans sanctions il va sans dire, trois réunions avec les entreprises de sondages. La commission revient sur la définition des sondages concernés. La loi de mars 1977 l’avait énoncé « ayant un rapport direct ou indirect avec l’élection ». Cela n’est-il donc toujours pas clair ? Toujours est-il qu’une nouvelle fois, les principes de contrôle sont précisés par rapport à la sincérité du scrutin, à la liberté du commerce et de l’industrie.

Si la première est à l’évidence implicite dans la loi, la deuxième procède d’une interprétation juridique de la commission et du Conseil d’Etat qui avait statué en 2011 que les redressements relevaient du secret industriel. Ce retour sur les principes répond sans doute au contentieux intenté devant le Conseil d’Etat sur un sondage de l’Ifop de septembre 2015. Le Conseil d’Etat a « conforté » la commission – qui siège dans les mêmes lieux. Qu’on en juge plutôt. La question suivante n’a pas été considérée comme ayant un rapport à l’élection : « Pour la campagne présidentielle de 2017, quel engagement souhaitez-vous voir inscrit dans les programmes des candidats ? ». Le Conseil d’Etat a donné raison à la commission en ces termes : « eu égard à l’objet du sondage litigieux et à la circonstance que celui-ci a été réalisé et publié plus de 19 mois avant l’élection présidentielle, la présidente de la commission a pu, sans commettre d’erreur de droit, estimer que ce sondage ne présentait pas de rapport avec une élection présidentielle » ? Il est vrai que les termes mêmes de la question étaient sans ambiguïtés. Aussi le Conseil d’Etat, pour passer outre les mots, et ne pas donner tort à un de ses membres (la Présidente de la commission) a sollicité un autre argument : l’éloignement temporel de l’élection présidentielle. Trop éloignée… C’est aussi introduire un critère de date pour les futurs sondages. Bien conscient du nouveau problème, la commission y est confrontée immédiatement puisque l’élection présidentielle se profile. Ainsi pour les baromètres, elle annonce qu’ils seront contrôlés à partir du 1er janvier 2017. Autrement dit la campagne présidentielle n’a pas commencé pour eux. Pas de contrôle pendant les fêtes de fin d’année.

Pour le reste, la philosophie du contrôle n’est pas modifiée : l’indulgence pour les sondeurs continue. Ainsi sur un sujet polémique qui est celui de sondages de deuxième tour organisés sans premier tour ou indépendamment de résultats du premier tour, la commission prévient : "il serait dans l’idéal préférable d’attendre les résultats du premier tour pour en réaliser". Quand cela est néanmoins fait ce rappel rituel : "les résultats de ce sondage doivent être interprétés avec la plus grande prudence". 

Une partie plus originale du rapport pouvait être attendue sur la réforme du 25 février 2016. Qu’est-ce que celle-ci change ? A en croire la commission de sondages aucune attribution précise n’en découlerait, sinon un élargissement flou de sa compétence – toujours bon à prendre – qui semble consister surtout dans la mission de diffusion de la fiche technique sur son site. Tâche doublement réduite d’ailleurs car il est précisé que cette diffusion peut être assumée par l’auteur du sondage sur son propre site et d’autre part que la différenciation entre fiche technique confidentielle et fiche publique n’est pas abolie. Un travail de secrétariat en somme.

Sur les primaires de la droite et du centre de novembre 2016, premières élections après la réforme du 25 avril 2016, rien n’est dit sinon les "retards " dans la remise des fiches techniques des sondages. Des retards comme il y en a forcément avec la mise en œuvre d’une nouvelle procédure peut-on imaginer : "Il convient de relever que, dans la plupart des cas, les instituts contribuent à la mise en œuvre de la loi en adressant, dans de très brefs délais, au secrétariat la notice consultable. Néanmoins, des retards sont encore à déplorer". On peut toutefois se demander si ces "retards" lorsqu’ils concernent des élections sont bien encore de simples retards ou violent l’esprit même de la nouvelle règle lorsque les informations ne sont publiées qu’après le scrutin, interdisant tout contrôle. Ajoutons bien sûr qu’il n’est pas question dans ce rapport des résultats effectifs de cette primaire de droite et de leurs écarts avec les sondages.

L’interprétation de cette loi en dit long sur la philosophie de la commission. Sans doute un élargissement de ses compétences est-il apprécié comme une réaction de fierté, sans remarquer que la commission ne l’a jamais demandé et a toujours entonné le discours de l’autosatisfaction, et que cette réforme constitue donc un démenti de cette autosatisfaction imperturbablement affichée mais surtout, ses interprétations vont dans le sens du statu quo. En fait rien n’est changé.

Pour elle d’abord qui ne remet pas en cause la double communication des fiches techniques, l’une confidentielle à la commission, l’autre publique, les sociétés de sondages qui échappent à la transparence des redressements. Dans les deux cas, contre l’intention du législateur dont il ne sera pas question dans l’interprétation de la commission. Si les sénateurs ont voulu une réforme c’était pour que la transparence soit totale avec la publication de la fiche technique jusqu’alors confidentielle et la publication des redressements. Il suffisait de le leur demander. Il est vrai que sur le deuxième point, la rédaction de la loi était défaillante tant elle n’anticipait pas la mauvaise foi. Il eut fallu qu’elle évoque la publication des chiffres bruts et non celle des clefs de redressement. Après un tel effort, la commission n’omet pas de signaler que la réforme du 25 avril 2015 lui vaut un surcroît de travail.

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