Quatre jours après, il est donné perdant avec les défaites annoncées, au second tour, de Marine Le Pen en Picardie-Nord-Pas de Calais et de Marion Maréchal Le Pen en Paca (TNS Sofrès-Le Figaro-LCI, 8 décembre 2015). Le retrait des listes PS et l’appel à voter pour les listes UD lancé par des responsables socialistes serait « passé par là ». Si l’heure ne semble plus au cynisme populaire légèrement provocateur mêlée de crédulité sondagière du journaliste du Figaro, la promotion du FN n’est pourtant pas finie, comme en atteste celle de L’Obs et de BVA, sans doute involontaire, qui affirment que : « 44% des Français souhaitent que le FN dirige une région » (L’Obs, 8 décembre 2015). Sensation ?
Premier coup de force, un classique, il s’agit de 44% de sondés et non des « Français ». L’extrapolation à l’ensemble de la population a perdu de son bien fondé avec la massification des refus de réponse aux sondages. Biais passé sous silence, il fausse intrinsèquement la représentativité de l’échantillon même si la taille de celui est statistiquement pertinente (ici 1269 personnes). Selon le type de sondages, il faut de 8 à 30 appels pour obtenir un questionnaire complet. Les quotas sont donc de plus en plus difficiles à atteindre. Ils demeurent par ailleurs notoirement grossiers, la représentativité s’en trouve encore plus affectée, les non répondants étant inégalement distribués du point de vue social et idéologique. En cas d’effectifs de sous-populations insuffisants les sondeurs leur appliquent un coefficient multiplicateur censé gommer la ou les distorsions...du bricolage. Le sondage de BVA a été effectué en ligne mais les sondés ont été « recrutés » (terme du sondage) auparavant par téléphone, autant dire que seuls les plus motivés à répondre ont accepté d’être recrutés, contre gratification (même minime) comme dans tout sondage en ligne. On sait aussi depuis longtemps que cette procédure tend à surévaluer les extrêmes.
Deuxième coup force, le sondage n’est pas comme son nom l’indique, une intention de vote, catégorie de sondages qui enregistre déjà fiasco sur fiasco scrutin après scrutin (y compris celui-ci) (cf. Enquête Ipsos-Cevipof : ça commence mal), mais l’expression d’un souhait ou d’une volonté, une « enquête » qui n’engage guère celui qui l’exprime. Quitte à quantifier au niveau national les Français qui veulent voir le FN diriger (au moins) une région, les résultats du premier tour offraient, eux, une option simple mais autrement plus rigoureuse que celle de BVA et de l’Obs. Le total est cependant beaucoup moins « excitant » et flatteur pour le FN.
Démonstration
Il est raisonnable de croire que parmi les 6.018 914 d’électeurs du FN au premier tour (source ministère de l’Intérieur) soit 27.73% des suffrages exprimés, la plupart veuillent que ce parti dirige une région (la leur) si ce n’est toutes. Le corps électoral français s’élève à 44,8 millions d’électeurs (INSEE, 2014). Autrement dit 13,43% des Français en âge de voter et, précision importante, inscrits sur les listes électorales, souhaitent que le FN dirige une région. Ça sonne de suite « moins bien » que « 4 français sur 10 souhaiteraient que Le FN dirige au moins une région », commentaire du sondeur repris en titre également par le Parisien qui commente, lui aussi le sondage (Le Parisien, 8 décembre 2015).
Une fable et un « tour de magie » que ne renierait, ni Marine Le Pen, ni aucun spin doctor (conseiller en manipulation) toujours sensible aux attentions dont sont l’objet les politiciens qu’ils conseillent. Les velléités de dédiabolisation du FN qui anime sa présidente s’accommoderont peut-être moins bien des 74% de sondés qui le considèrent comme un parti d’extrême droite. Un label infamant, pour elle, qui le conteste en attaquant en justice. Cette bataille est pour l’instant perdue. La présidente du FN pourrait toutefois se consoler au regard des 57% de sondés qui le considèrent comme « un parti comme les autres ». On sera bien en peine d’en savoir plus puisque le sondeur n’a pas daigné faire l’effort de préciser ce qu’il entendait par là. Une paresse de BVA qui ne manquera de relancer la rhétorique du FN : « un parti comme les autres » (normal ?), peut-il être qualifier d’extrême ? Si les « Français » le disent...