observatoire des sondages

La politologie est un naufrage : Nicolas Sarkozy et le ratage du retour réussi

jeudi 16 octobre 2014

Pour les doxosophes [1], le verdict était sans appel : « retour » réussi (cf. Retour de Nicolas Sarkozy : exercice de doxosophie sur C dans l’air). Deux semaines plus tard les cloches sonnaient autrement. Oubliés les sondages vite faits et les considérations partisanes sur l’énergie et le volontarisme, forcément positif, de l’ancien président. Après de nouveaux sondages défavorables, la presse, dans son ensemble, rendait le verdict d’un échec.

Dès le 4 octobre le couple Ifop-Jdd a corrigé le tir avec un timide : « pas facile le retour pour Sarkozy ». Le sondeur tentait péniblement d’expliquer le recul de 7 points des opinions favorables à la candidature de l’ancien président à la tête de l’UMP (68%) : « comme si l’effet de son annonce en politique s’était rapidement dissipé ». Comme si... Or si l’élection du président de l’UMP est l’affaire des adhérents, l’Ifop s’est contenté d’interroger des internautes et de distinguer de l’ensemble de son échantillon les sondés se déclarant sympathisants UMP. Un effectif très insuffisant. Le sondeur se veut de toute façon rassurant pour Nicolas Sarkozy : « ça ne profite pas à la concurrence ». S’il le dit.

Un autre couple BVA(LH2)-le Nouvel Observateur a publié deux sondages le 9 octobre deux sondages. Le sujet est si passionnant.

Du premier, on retiendra que la justice aussi peut être mise en opinion selon les opinions politiques. 57% des « Français » la considèrent neutre à l’égard de Nicolas Sarkozy, ou encore 79% des sympathisants de gauche lui font confiance, 60% des sympathisants de droite ne lui font pas confiance (UMP, 61%). Une surprise ? Gageons que l’accusé aurait été de l’autre bord on aurait eu sensiblement le même résultat mais avec des opinions inversement distribuées.

L’autre sondage, portait forcément sur la primaire de l’UMP, fixée dans deux ans. Pas de quoi s’y fier si on en juge par le précédent de la primaire socialiste de 2011 (cf. Sondages sur les primaires socialistes : le chaos ; 36e sondage sur la primaire socialiste : rien n’y fait ; Primaire socialiste d’OpinionWay : dernières manipulations, toute honte bue). Tout était faux. Trois ans et déjà oublié. Si Nicolas Sarkozy devance toujours Alain Juppé auprès des sympathisants UMP (51% contre 37%), ce dernier comblerait son « son retard » et même, le devancerait « pour la première fois » (47% contre 35%) si la primaire était ouverte à tous. Le sondeur annonce par ailleurs une énorme participation au scrutin : « 28% des Français souhaiteraient participer à la primaire UMP. Un chiffre important mais à relativiser ». En clair : un chiffre fantaisiste. Il est si rare d’entendre un sondeur avouer que son chiffre ne vaut rien... « Pour rappel, en septembre 2011, 33% des Français déclaraient qu’ils avaient l’intention de participer à la primaire citoyenne du Parti socialiste pour une participation, in fine,de l’ordre de 7% du corps électoral ». Dans la réalité la primaire socialiste a mobilisé respectivement, 2,7 millions et 2,9 millions d’électeurs au 1er tour et au 2e tour. Dernière précision, le nombre de sondés se déclarant prêts aller voter à la primaire UMP et assimilés sans coup férir à 28% des Français s’élève à 336 personnes. Parmi ces 336 sondés, tous ne sont pas sympathisants UMP, logiquement donc moins nombreux.

Le 13 octobre, Ipsos et Le Point ont renchéri à leur tour avec un : « Alain Juppé double Nicolas Sarkozy ». Leur baromètre attribuant au premier 76% d’opinions favorables contre 71% au second parmi les sympathisants, en baisse de 11 points. Libération parachevait le tout le même jour en recyclant le sondage Ipsos, avec un : « Sarkozy : la stratégie de l’homme providentiel mise à mal ».

De sombres perspectives pour Nicolas Sarkozy ? Si l’on parvient à suivre le « cheminement » du Point, qui ne concerne que les cotes de popularité et leur évolution, sans faire le moindre état des enquêtes judiciaires le concernant, non. Selon le magazine, l’actuel « moment de grâce d’Alain Juppé [dans tous les sondages] n’est pas dépourvu de danger si loin de la présidentielle ». N’était-ce donc pas le cas pour Nicolas Sarkozy auparavant ? Et de conceptualiser. Enfin presque... Un danger nommé « L’effet Balladur ». Et Le Point de rappeler la désillusion du Premier ministre-candidat en 1995, donné victorieux dans les sondages 6 mois avant le scrutin. Désillusion de Nicolas Sarkozy qui s’en prit alors aux sondeurs (cf. Petite piqûre de rappel). Il aurait été aussi judicieux de parler d’« effet Jaffré » du nom de l’ancien sondeur de la Sofres et partisan d’Edouard Balladur qui annonçait : « Si M. Balladur est élu le 8 mai prochain, on pourra dire que l’élection présidentielle était jouée avant même que d’être écrite » (Le Monde, 12 janvier 1995).


[1Plus précisément Brice Teinturier d’Ipsos ; Gaël Sliman d’Odoxa, et Jérome Fourquet de l’Ifop et les invités inamovibles de C dans l’air.

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