observatoire des sondages

Petite entreprise de persuasion ordinaire : « les Français plébiscitent l’entreprise »

jeudi 27 novembre 2014

Un sondage a eu les honneurs du supplément « Eco-Entreprise » du journal Le Monde (26 novembre 2014). Il faut dire qu’il apporte une information de taille qui génère deux gros titres : « Les Français, même de gauche, plébiscitent l’entreprise » et « La France réconciliée avec l’entreprise ».

Problème, il s’agit d’un sondage-bidon et on s’étonne de la naïveté épistémologique. A moins qu’il s’agisse de cynisme réaliste. Ce sondage en ligne effectué par Ipsos proposait la question suivante :

- Pour vous l’entreprise évoque quelque chose de positif ou de négatif ?

...et obtient 89 % de positif et 11 % de négatif. Personne n’est sans opinion ou n’a d’opinion hésitante, et encore moins complexe. Normal dans un questionnaire en ligne reposant donc sur le volontariat. Cela eut été intellectuellement intéressant mais pas pour faire un « plébiscite ». Normal aussi car ce sondage réalisé pour le 16e salon du livre de l’économie a été effectué par une entreprise (Ipsos) et commandité par un salon financé par des entreprises. Le sondage ? Une bonne manière de se flatter aussi, d’où le triomphalisme des titres. Mais de quoi parle-t-on ? Manifestement de l’entreprise qui crée des emplois puisque l’on nous dit assez à longueur de temps que l’Etat, lui, doit en supprimer. Créer des emplois, plutôt une attente ou un espoir. Mais il faut bien croire à quelque chose. Comme le jugement sur l’entreprise (une autre question) qui permet de s’épanouir ?

- A propos de votre travail, vous épanouissez-vous personnellement dans votre activité professionnelle ? (74% de réponses positives, 26% de réponses négatives).

Une question du même acabit que celle sur le bonheur. Croit-on que si 85 % des gens se déclarent heureux (chiffre à peu près constant dans les sondages sur la question), ils soient aussi nombreux à l’être ? D’autant plus que, amenés à citer leurs motifs de bonheur, ils citent la famille mais pas beaucoup l’entreprise

Il est donc intéressant de savoir que la promotion idéologique de l’entreprise finit par payer, au moins dans les sondages, en amenant des sondés volontaires à penser à l’entreprise qui embauche ou à celle qui investit plutôt qu’à celle qui licencie, ou qui délocalise, ou qui verse des retraites chapeaux, ou qui exploite, ou qui pollue. Plusieurs avis sont d’ailleurs conciliables.

En somme un bel exemple de la guerre des idées telle que se l’imaginent nos idéologues. Plutôt une guerre des clichés.

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