observatoire des sondages

La publication d’un sondage Odoxa dans le Parisien a déjà déclenché une première escarmouche dans la guerre des sondages ouverte pour l’élection présidentielle de 2017. Le sondage Odoxa concerné mentionnait que Alain Juppé devancerait Nicolas Sarkozy dans une primaire (dont on ne connaît pas encore les règles). Il semble que Odoxa ait été la cible d’attaques de partisans du second. En tout cas le sondeur le prend très mal puisqu’il a publié un communiqué menaçant. Pour cela il se prévaut - et c’est une nouveauté - de l’avis de la commission des sondages qui aurait reçu en séance plénière le sondeur et n’aurait eu aucune observation à faire.

Comment interpréter cet épisode ?

La commission des sondages a-t-elle convoqué le sondeur comme cela est arrivé rarement ?

Il semble plutôt, étant donné la rapidité de la réaction que le sondeur ait sollicité la commission pour être entendu.

Il demeure qu’ensuite, le sondeur se prévaut de son quitus pour menacer les critiques d’une action en justice. Qu’un organisme officiel de contrôle puisse servir à cela est très inquiétant. On sait que la commission des sondages qui ne comprend aucun spécialiste des sondages dans ses rangs et n’intervient quasiment jamais accroitrait ainsi son rôle dans une forme originale d’auxiliaire de police. En matière d’opinion...

Quelques jours après le communiqué d’Odoxa, la commission des sondages n’a publié aucun communiqué sur son site. Il faut donc faire confiance à Gaël Sliman qui a rapporté le fait. Avec suffisamment de crédit pour être cru par Le Parisien et même par le Monde dont Gérard Courtois dans un de ses articles truffés de chiffres de sondages prend le soin de préciser à propos du même sondage donnant l’avantage à Alain Juppé que c’est une « enquête très décriée par les partisans de M. Sarkozy, mais que la commission des sondages vient de valider sans réserve » (Le Monde, 3 juin 2015).

Il est un point sur lequel Odoxa a raison c’est de mettre en cause les motivations de ses critiques partisans de Nicolas Sarkozy. Ils accusent ce qui leur déplait. Ils n’ont pas critiqué les sondages antérieurs équivalents qui donnaient l’avantage à Nicolas Sarkozy alors qu’ils étaient aussi peu fiables. De là à menacer d’action en justice... Ce serait ouvrir la boite de Pandore car cette contestation des sondages va être la règle jusqu’à mai 2017.

Pour notre part, nous avons critiqué le sondage contesté mais aussi ceux qui le précèdent [1] - manière de dire que nous n’évaluons pas les sondages en fonction de l’avantage qu’ils donnent à l’un ou à l’autre - et que nous réitérons nos critiques sur la faiblesse des effectifs dans la mesure où les sondeurs nous donnent les moyens de savoir les chiffres absolus de leurs pourcentages (ce qu’ils ne donnent pas). Ainsi, avions-nous établi que sur 911 personnes interrogées en ligne, seulement 10 % se déclaraient sûres d’aller voter à la primaire de l’UMP (pas encore républicains). Cela ferait des effectifs notoirement insuffisants pour départager les candidats à la primaire : environ 91 personnes. Sachant de surcroit que 16% de ces 10% n’ont pas émis d’intention de vote. Il semble - mais cela ne ne figure ni dans les résultats publiés et n’est que suggéré par l’évocation d’un sous échantillon de plus de 279 personnes « envisageant » de voter [2]. Encore faudrait-il là aussi enlever tous ceux qui n’ont pas émis de préférence. On ne sait pas d’où vient ce chiffre mais s’il était fiable, cela donnerait la participation de plus de 13 millions d’électeurs. Les dirigeants de l’UMP-Les Républicains sont bien modestes en espérant 3 millions d’électeurs.

Alain Garrigou
professeur de Science Politique à l’université de Paris Ouest Nanterre

[2Selon le communiqué Odoxa du 29 mai 2015 : "Réalisé auprès d’un échantillon classique de 1 000 Français (999 précisément), notre sondage du 24 mai comportait un volet image comparée auprès des Français (sur les 999 interviewés), un volet intentions de votes comparées (sur 911 inscrits) à la présidentielle et un volet primaire UMP (279 personnes envisageant de voter à la primaire UMP de 2016).

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