Rien de tel en France. La journée de lundi (21 novembre) a été le théâtre d’un véritable blackout. Le mot sondage n’a été quasiment pas prononcé et erreur...encore moins. Les quatre journaux télévisés du soir des trois chaines Tf1, France 2, France 3 ont sacrifié comme c’est l’usage en pareille circonstance aux rites du processus démocratique : présentation du gagnant et des perdants, ponctuée de commentaires sur les résultats et la préparation du second tour. De sondages il n’en était toujours pas question, seul David Pujadas (France 2) évoquait un retour ultérieur sur leur erreur (sans prononcer le mot) comme pour se disculper.
Extraits :
Carole Gaessler (France 3, 19/20, 21 novembre 2016) : "depuis 3 semaines les sondages montraient une dynamique de François Fillon mais personne n’avait anticipé un tel score sur 4 millions de votants 44.1% ont choisi l’ancien premier ministre loin devant Alain Juppé qui était pourtant le favori".
David Pujadas (le 20 h, France 2, 21 novembre 2016) : "prudence et modestie en tout cas parce qu’on en reparlera demain sans doute de cette nouvelle déconvenue pour tous ceux qui pensaient connaitre ou afficher le résultat à l’avance".
Gilles Bouleau, (le 20h, TF1, 21 novembre 2016) : "pendant plusieurs mois et même plusieurs années Alain Juppé était largement en tête des sondages, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac a réuni hier 643 000 voix de moins que François Fillon, il a décidé malgré tout de continuer le combat".
Francis Letellier (Soir 3, France 3, 21 novembre 2016) : "François Fillon arrive loin devant avec plus de 40% des voix, Alain Juppé ne dépasse pas lui la barre des 30% à l’issue du premier tour. Lequel des deux sera le candidat à la présidentielle ? Ils ont une semaine pour faire la différence, les hostilités ont commencé".
On pouvait donc encore croire que France 2 “s’interroge” le lendemain sur la performance des sondages. Croyance confortée par la demande d’interview adressée le matin du 21 au directeur de l’Observatoire des sondages. Demande acceptée non dans l’espoir d’obtenir une tribune, mais pour voir si la télévision publique accepterait de diffuser une critique scientifique et quelques propositions formulées lors de cet entretien d’une heure environ.
Si le 20h de France 2 a bien reparlé des sondages de la primaire, c’est en définitive à Brice Teinturier et à Pascal Perrineau, un sondeur (Ispos) et un politologue compagnon de carrière des sondeurs, que la rédaction de la chaine a confié le soin de revenir sur leur “déconvenue”. Inutile donc chercher la moindre explication dans leur propos si ce n’est une défense de leur profession.
Brice teinturier (Ipsos, France 2 , 22 novembre 2016) : "il est très difficile à l’intérieur d’une même famille politique, nous n’avons cessé de le dire, de mesurer à temps les mouvements et la volatilité électorale. Pourquoi c’est très simple parce que électeurs n’ont pas l’impression de trahir quand ils passent de Nicolas Sarkozy à François Fillon ou Alain Juppé".
Pascal Perrineau (France 2 , 22 novembre 2016) : "les gens n’ont pas envie de répondre à des questions en effet, sur leur choix personnels, leurs choix politiques, leurs orientations culturelles, sociales et économiques, ils se taisent. Mais ce qu’il faut savoir c’est que parmi ces taiseux une partie de ceux-là viendront voter".
Et le commentaire accompagnant les deux interviews de conclure : “la question de la fiabilité des sondages pourrait être encore au cœur des débats lors des prochains scrutins".
Il ne s’est donc rien passé.