Au regard de la crise économique et sociale dans laquelle est plongé le pays depuis 5 ans au moins, rien de surprenant, ni de difficile à comprendre. Les professionnels du chiffrage de la popularité en continu ne vont pas s’arrêter pour autant. Le taux sondagier d’impopularité présidentielle n’a certes pas encore atteint son maximum théorique (100%), il peut donc encore monter, baisser pour les optimistes, à tout le moins fluctuer négativement ou positivement. Problème délicat, s’il en est, pour les sondeurs en continu : dénicher, chaque jour ou presque, des explications aux variations ou stagnations, sans jeter le doute sur la méthode voire sur l’intérêt d’une telle mesure. BVA annonçait le 2 novembre 2013, suite à la libération d’otages français (29 octobre 2013) enlevés il y a 3 ans au Niger, que cette libération n’avait pas eu d’impact sur la popularité de François Hollande. Et Le sondeur de rappeler mais très discrètement dans la notice détaillée rarement lue, que Nicolas Sarkozy, président impopulaire lui aussi en son temps, n’a pas plus « profité dans l’opinion » de la libération d’Ingrid Betancourt malgré sa forte implication personnelle dans cette libération. Cet aveu d’inutilité n’empêchera pas les sondeurs de continuer à produire ces cotes de popularité et de calibrer leurs explications au gré des circonstances du moment.
Le titre du Parisien du 2 novembre 2013 : « la libération des otages ne profite pas à Hollande » et le verdict de son sondeur attitré, BVA, auraient pourtant pu laisser croire à une inflexion de la part de sondeurs toujours prompts à trouver des causes aux fluctuations même quand ils ne disposent d’aucune donnée, ou quand celles-ci n’ont tout simplement pas d’explication exceptée celle découlant de la technique du sondage lui-même. (cf. Cote de popularité de François Hollande en hausse : le bricolage des causes ; Popularité de François Hollande : un photomontage ? ). Mais le hasard ou la chance était cette fois du côté du sondeur, les chiffres « parlaient tout seuls », pas d’explication fantaisiste à aller chercher : à une semaine d’intervalle l’impopularité mesurée par BVA était strictement identique à la virgule près : 73% des sondés ont une mauvaise opinion du président de la République. On imagine le commentaire de BVA si la cote d’impopularité présidentielle avait varié d’un point ou deux : la coïncidence temporelle entre la libération des otages et la variation aurait constitué la preuve de l’impact positif ou négatif, selon les cas, à l’instar du soleil retrouvé avec les vacances d’été, du 14 juillet ou des fêtes de Noël devenus des classiques des rebonds de popularité des gouvernants (cf. Popularité présidentielle : le commentaire yoyo ; Impopularité de Nicolas Sarkozy : petit exemple de paralogisme ; Petite pataphysique sondagière estivale). Pour une fois, l’explication défie le doute, cela n’a pas bougé, les événements concomitants n’ont donc pas eu d’influence. Une proposition à insérer dans les ouvrages d’épistémologie.
BVA avait cependant pris quelques « précautions » supplémentaires en proposant aux sondés une question sur la responsabilité du Président. Non, la libération des otages n’était pas à mettre, selon une majorité d’entre eux, au crédit de François Hollande. Le doute n’a pas effleuré les sondeurs sur la pertinence d’une question portant sur des tractations secrètes, ni les sondés de répondre à une telle question alors qu’il est évident qu’ils n’en savent rien. Pour s’en tenir aux faits. Quant au sens général d’une telle question sur des faits engageant des acteurs multiples, les sondages montrent bien qu’ils sont un moteur constant de régression intellectuelle. Peut-on en même temps faire observer que les sondeurs devraient poser symétriquement la même question sur la crise économique dans leurs cotes d’impopularité : François Hollande est-il responsable de la crise économique commencée en 2007 ?