Dans la fiche technique du Politoscope publié par Le Figaro le 11 juin 2010, OpinionWay affiche son respect des normes ESOMAR. Ce sigle désigne une organisation professionnelle internationale de marketing. Rien que de banal, et pourrait-on dire, de vertueux, dans les pratiques de sondage. En l’occurrence, il existe pourtant une interrogation. On se souvient que la publication en juillet 2009 du rapport de la Cour des comptes avait déclenché une polémique chez les sondeurs et précisément entre OpinionWay et ses confrères. On apprenait alors, avec quelques mois de retard, qu’OpinionWay avait démissionné de Syntec, organisation professionnelle française des métiers de sondage et marketing. Or Syntec est membre d’Esomar et a repris ses normes. Où était donc le problème ? Il faut bien dire que la polémique n’a pas éclairé le public tant les propos ont été sybillins, OpinionWay s’étant vanté à cette occasion d’avoir démissionné de Syntec. Cela mérite quelque explication. Réponse des concurrents : OpinionWay allait être exclu pour non respect des règles déontologiques. Tout cela restant suggéré au public et dit seulement entre initiés. Exclu ? Voire. Derrière la contestation déontologique, une rivalité commerciale était cependant d’importance : OpinionWay venait de décrocher le partenariat avec Tf1 pour les soirées électorales. Pas un mince exploit pour un sondeur de moins de 10 ans d’âge. Au premier plan, l’évincé, TNS Sofrès, ne pouvait apprécier, même s’il compensait par un contrat avec France Télévision. Etait-ce une question de prix comme on l’évoquait en même temps qu’on signalait la particularité - très discutée - d’OpinionWay de faire des sondages d’opinion en ligne ? On sait que ces partenariats avec les medias coûtent de l’argent aux entreprises de sondages qui paient ainsi une promotion de taille. Quand Laurence Parisot avait racheté l’Ifop, alors mal en point, ses confrères l’accusaient également de dumping. La politique de low cost d’OpinionWay fut aussi pointée du doigt.
D’autres accusations étaient plus délicates à formuler. Elles « passèrent » donc par des confidences aux journalistes et la rumeur. OpinionWay était proche de la majorité UMP et de l’Elysée. Ses liens avec Le Figaro et Tf1 étaient surtout politiques. La réussite d’OpinionWay avait un prix, assuraient les rivaux, non seulement la qualité discutable des sondages en ligne, mais le respect des règles déontologiques. OpinionWay était un sondeur complaisant, assuraient-ils, mezzo voce, en se prêtant aux demandes du Figaro et de l’Elysée, sur les sujets et les résultats de sondages, en acceptant des financements indirects et enfin en laissant les commanditaires occultes leur dicter les questions.
La défense des uns et des autres - Elysée, Publifact, Le Figaro, OpinionWay - confirme les soupçons et les quasi certitudes des concurrents. Il y avait de quoi se fâcher devant ces pratiques qui jettent le discrédit sur toute l’industrie des sondages : financement occultes, sociétés écrans, fausses déclarations à la commission des sondages, trucages divers tendant à transformer les sondages ordinaires en push polls [1]. Après la crise violente mais brève, les professionnels en revinrent rapidement à la discrétion, un silence parsemé de quelques confidences. Même sur les questions déontologiques. Comment accuser un confrère de pratiques déloyales et incorrectes sans accuser ses partenaires dans l’affaire, grands quotidiens, chaînes de télévision et surtout, ce partenaire et commanditaire vital aux entreprises de sondage : la présidence de la République ?