Va-t-on encore longtemps se disputer sur fond de sondages mal faits ou faits pour emporter la décision ? A priori oui, puisque la législation qui avait permis les coups fourrés de la précédente élection présidentielle n’a pas changé. Se souvient-on encore de la vraie fausse nouvelle du croisement des courbes, lancé sur la foi d’un sondage Ifop, ou plus exactement une vague du baromètre Ifop commencée comme par hasard à la minute même où se terminait le meeting de lancement de la campagne de Nicolas Sarkozy [2]. Cette fois, les sondeurs oubliaient le « degré de latence » dont ils font état quand il s’agit de montrer qu’un événement n’a pas d’effet sur l’opinion mais n’oubliaient pas le discret « adage » qui veut qu’une inversion de l’avantage à proximité du scrutin soit définitive. Ils se sont trompés parce que la manœuvre a été éventée. En partie au moins. Il ne fait aucun doute que la tentation sera trop forte pour éviter de recommencer quitte à inventer de nouveaux coups fourrés. Ne peut-on l’éviter ?
On se souvient qu’une commission d’enquête sénatoriale présidée par les sénateurs Sueur (PS) et Portelli (UMP) avait proposé une réforme des sondages qui avait obtenu le 14 février 2011 l’unanimité du vote sénatorial avant d’être recalée devant la commission parlementaire. Son rapporteur à l’Assemblée Nationale le député Etienne Blanc, aussi incompétent qu’obéissant aux ordres supérieurs, l’avait fait capoter. Les sondeurs étaient montés au créneau pour contester cette proposition de loi avec un argument cocasse - la loi leur était devenue excellente - et étaient intervenus auprès des députés de tous les partis. Et auprès de l’Elysée. Le veto de Nicolas Sarkozy scella l’échec. Sachant aujourd’hui quel rapport étroit, instrumental et quasi magique, l’ancien Président entretenait avec les sondages et ses gourous en communication, on n’est rétrospectivement pas étonné. Il n’est plus président de la République.
C’est l’occasion de reprendre la réforme déjà rédigée en y ajoutant une mesure pour interdire au monde des affaires de financer des sondages électoraux, ce qui revient à un financement politique illicite. Le Président François Hollande n’y opposerait sans doute pas son veto comme son prédécesseur. Sans doute la réforme aurait-elle dû être faite plus tôt. On peut en effet attendre des objections sur le calendrier parlementaire. Même si la réforme est déjà pensée et rédigée. Ces objections ne tromperaient personne tant les délais sont les mêmes que précédemment. Et si rien n’est fait, comment pourra-t-on en justifier quand les polémiques feront rage ?