Le colloque « Les sondages : défi ou opportunité pour la démocratie ? » qui s’est tenu au Sénat le 17 octobre 2022 a encore donné l’occasion au sondeur F. Dabi d’étaler l’étendue de ses compétences et d’une cécité bien singulière sur l’actualité (pour un directeur général, groupe Ifop) :
Frédéric Dabi insiste ainsi sur « le lien indéfectible » entre sondage et vie démocratique. « En juin 1940, l’une des premières décisions des autorités d’occupation a été de fermer l’Ifop » [2].
Le sondeur suit-il, ou à défaut l’informe-t-on des "affaires du monde", de ce qui s’y passe même brièvement ? La réponse est dans la question. La création d’une filiale de l’Ifop en Chine en 2016 est donc une garantie de démocratie du pays. Gageons que cette garantie ne vaut que pour l’Ifop.
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Au moins le sondeur a-t-il bien retenu la fable récitée par ses "ancêtres" et homologues depuis presque 40 ans :
en 1984, Alain Lancelot, alors directeur de l’IEP et entre autre "conseiller scientifique" de la Sofres.
C’est une conception [la démocratie] qui repose sur la foi dans le suffrage universel. Les principales critiques formulées à l’encontre des sondages d’opinion pouvaient être également utilisées contre le suffrage universel. De fait, les mêmes arguments opposés de nos jours à la multiplication des sondages ont servi autrefois dans la critique de l’extension du suffrage [3].
en 2000, Roland Cayrol (alors membre du Cevipof, fondateur et directeur jusqu’en 2008 de CSA)
« Le fait est là : le sondage est le produit de la société démocratique, et il a toujours été interdit dans les régimes totalitaires » [4].
en 2011 par Brice Teinturier (directeur délégué d’Ipsos)
« Ce n’est pas un des moindres paradoxes que de voir certains acteurs politiques de gauche comme de droite, fervents démocrates au demeurant, fonder leur critique des sondages sur une tradition philosophique aussi profondément réactionnaire. La démocratie, au contraire, considère que la décision se forge non point dans la mystique d’un chemin intérieur mais dans l’échange avec l’autre, l’ouverture, l’information et la contradiction » [5].
en 2017 par Bruno Cautrès (membre du Cevipof) :
« Je rappelle toujours à mes étudiants que dans l’Espagne franquiste, il était interdit de réaliser de grandes enquêtes d’opinion », FranceInfo, 18 avril 2017.
Si comme ils le prétendent les sondages étaient synonymes de démocratie, la démocratie se porterait mieux. Au même titre, si les élections, les référendums, les consultations citoyennes etc. étaient une exclusivité des régimes occidentaux et synonymes de démocratie, ce serait une bonne chose pour la démocratie, et pour tous les pays du monde. Il n’en est rien.
L’actualité britannique nous livre une excellente illustration de cette déficience (au mieux) notamment journalistique, sur cette question. On ne saurait totalement blâmer des journalistes politiques d’un "grand quotidien" de ne pas partager (ou connaitre ?) la sentence de J. J. Rousseau sur le système politique britannique [6], il faut toutefois qu’ils entretiennent de curieux rapports avec la raison pour évoquer, certes en d’autres termes, les "pantalonnades" de la vie politique et électorale du Royaume Uni depuis des années et le qualifier en même temps de "pays d’Europe au système démocratique le plus enraciné du continent" [7].
Démentis par les faits, qu’ils connaissent et dont ils parlent même, ils signent pour le contraire, vont-ils persister ? On peut le penser. Au moins seront-ils en phase avec ceux qui ne supportent pas ce qui ne confortent pas leurs opinions infondées.