Il y eut dès 2006 un débat sur la valeur de ces sondages de primaires concernant surtout la pertinence d’une sélection d’un sous-échantillon d’électeurs sympathisants du PS comme partie « utile » de ces sondages. Le débat portait à la fois sur la taille des sous-échantillons - quelques centaines de sondés sur un total d’un millier environ - ce qui est notoirement peu - et sur l’autodéclaration de sympathisants - complètement incontrôlable et livrée à la subjectivité des sondés. Cela n’a pas empêché de reproduire l’opération en 2011 et 2012. Ni aujourd’hui. Il est assez rare qu’une mise au point méthodologique intervienne. Du moins en prévenant les polémiques plutôt que pour leur répondre comme un pare-feu. Emmanuel Rivière, directeur de Stratégies d’opinion de TNS-Sofres, répondait donc aux questions du Figaro (Le Figaro, 29 août 2016). Il est vrai aussi qu’un nouveau doute est apparu avec la généralisation des sondages internet. Et encore que le sondage concerné sur la primaire à droite livré par le sondeur donnait des résultats « différents voire contradictoires avec celui d’un concurrent » (Odoxa).
Dans une large mesure, les explications ne sont pas différentes de celles qui avaient été apportées précédemment (cf. Primaire à droite : « Nous partîmes cinq cents mais nous nous vîmes des millions »). Une originalité toutefois ? Le sondage en ligne permettrait un échantillon plus large grâce à la baisse des coûts et donc une meilleure fiabilité. Une difficulté cependant avec la répétition du sempiternel argument des sondeurs défendant les sondages en ligne - 75 % de leurs sondages faut-il ajouter - qui donneraient les mêmes résultats que les sondages par téléphone. Les sondeurs ne sont d’ailleurs pas d’accord avec les scientifiques utilisateurs des sondages - et non les critiques - qui font valoir que les méthodes apportent des résultats différents et qu’ainsi ils doivent être utilisées ensemble et complémentairement.
L’argumentation devient cocasse quand il s’agit d’expliquer la différence de résultats entre le sondage TNS Sofres et celui d’Odoxa publié par Le Parisien deux jours plus tôt (Odoxa-Dentsu-Le Parisien-BFM TV, 27 août 2016). TNS annonce une « égalité parfaite » (34%) entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy au premier tour, et ce dernier en tête (37% contre 30%) dans l’hypothèse d’une participation restreinte. Odoxa prédit Alain Juppé victorieux au premier tour avec 38% (contre 24%). Odoxa a travaillé sur une hypothèse de 5,5 millions de votants tandis que TNS Sofres a travaillé sur 3 échantillons, restreint, moyen et étendu. Plus l’effectif de TNS Sofres croitrait en se rapprochant de celui d’Odoxa, « plus les résultats que nous obtenons se rapprochent de ceux mesurés par Odoxa ». La conclusion est imparable : « Les résultats sont donc différents des nôtres. Mais il n’y a pas contradiction ». Que ne faut-il dire pour justifier son salaire... Il est intéressant de noter qu’il est donc des divergences quand la taille des échantillons varie mais pas quand la méthode de questionnement change [1]. « Aujourd’hui nous n’avons plus beaucoup de doutes sur la pertinence des enquêtes menées via internet ». Prière de croire sur parole. Prudence toutefois : « il reste des marges d’incertitude du fait que c’est la première fois que la droite se livre à ce type d’exercice ». Tout est paré donc : tous les résultats sont bons et si on se trompe à l’arrivée, ce sera parce que l’expérience était inédite.
Que les sondeurs se rassurent : ils vont faire beaucoup de sondages, les éventuelles polémiques ne vont rien changer et s’ils se trompent à la fin, tout sera vite oublié. Assez tôt en tout cas pour reprendre le collier des primaires de gauche.