Suite aux attentats meurtriers du vendredi 13 novembre 2015, l’Ifop, s’inspirant d’une proposition de Laurent Wauquiez [1], a questionné ses sondés sur l’attitude à adopter vis-à-vis des personnes faisant l’objet d’une fiche "S". En résumé : les emprisonner ? d’accord pas/d’accord. Difficile d’être plus sommaire. Le sondeur se contentant d’une vague description du fichier concernant "plusieurs milliers de personnes" (cf. Vendredi 13 : les sondeurs et le goût du sang).
Laurent Wauquiez évoque le chiffre de 4000 personnes concernées. "La communauté du renseignement" [2] s’accorde plutôt sur le chiffre de 5000 (Le Monde, 31 août 2015). Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois de l’Assemblée Nationale et responsable au PS des questions de sécurité, parle quant à lui de 10 000 personnes "classées S" [3]. Pour L’ex-Président de la République Nicolas Sarkozy c’est 11 500, quand Le Parisien lance le chiffre de 20 000 "selon ses sources" (16 novembre 2015). Le Premier ministre Manuel Valls annonce le chiffre de 20 000, dont 10 500 pour leur appartenance ou leur lien avec la mouvance islamique (AFP, 24 novembre 2015).
Quoi qu’il en soit des chiffres bien supérieurs au nombre de détenus qu’a connu au total le camp de Guantánamo, à savoir 780 (cf. le dernier décompte publié dans le New York Times, "The Guantánamo docket", 17 novembre 2015). S’agit-il de rouvrir en France les camps d’internement de sinistre mémoire, comme par exemple ceux d’Argelès-sur mer ou de "Camp de Rivesaltes", qui ont notamment "accueillis" à la fin des années 30 ceux qui fuyaient la guerre d’Espagne, et à partir de fin 1939 « tout individu, Français ou étranger, considéré comme dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique » [4] ?
S’il faut croire Laurent Wauquiez particulièrement ignorant, pourquoi s’en référer à des gens tout aussi ignorants, pratique récurrente, sinon règle générale des sondages ? Cela s’apparente à un travail ordinaire de promotion de l’obscurantisme.