observatoire des sondages

Un état d’impopularité

mardi 9 novembre 2010

Les cotes de popularité confirment de semaine en semaine, de mois en mois, les mauvais résultats du président de la République. Avec moins de 30 % de bonnes opinions, Nicolas Sarkozy battrait tous les « records d’impopularité » commentent les sondeurs. Ce n’est plus une mauvaise passe mais un état d’impopularité. Peu importe la valeur de ces mesures. Peu importe que les gouvernants les mettent en doute quand elles sont aussi défavorables. Ils y croient.

Cotes de popularité de Nicolas Sarkozy [1]
TNS Sofrès
BVA
CSA
IFOP
LH2
26%
30%
32%
29%
34%

Que se passe-t-il quand il faut gouverner avec une mesure objectivée de l’opinion aussi défavorable puisque c’est un revers du règne des sondages ? Et surtout que se passe-t-il quand on compte bien être réélu et que les cotes de confiance confirment les indications pessimistes des élections. Car, quoiqu’on en ait dit avec les élections européennes de 2009, fort mauvaises pour l’UMP bien qu’arrivée en tête, et les élections régionales de 2010, encore plus catastrophiques, la situation s’annonce difficile pour la réélection de Nicolas Sarkozy en 2012. Disons le tout de suite, elle est déjà très improbable. Les spin doctors de l’Elysée le savent bien. Mais étant spin doctors, il leur faut bien croire aussi à leur capacité à inverser le cours des choses, ici à opérer un retournement spectaculaire. Dans de multiples initiatives, à commencer par la fabrication de push polls, ces sondages biaisés pour promouvoir une cause, on les voit déjà à l’œuvre. Pour l’heure, ils n’ont pas réussi à infléchir les courbes. Il leur reste un peu de temps.

La recette habituelle du pouvoir en période préélectorale est de ne pas se lancer dans des entreprises risquées ou coûteuses qui risquent de lui aliéner des parties importantes de la population. Cette posture manque certainement de grandeur mais elle fait partie du bagage tactique de la politique. Nicolas Sarkozy a semblé s’en moquer quand il a annoncé en pleine protestation sur les retraites qu’il réformerait jusqu’à la dernière minute. Une expression brave sinon bravache qui a un parfum de crépuscule. On sait en effet que la perspective de l’élection est déterminante dans un régime d’autocratie élective qui est celui de la France d’aujourd’hui. Autrement dit, tout est tourné vers la perspective de la prochaine élection présidentielle. Avec la coïncidence des mandats présidentiels et parlementaires, on a vu combien les députés avaient commencé à s’inquiéter à la suite de la défaite des élections régionales. Ensuite, selon une réaction psychologique très ordinaire, ils ont retrouvé un peu de calme. Il n’empêche que l’état d’impopularité s’il continue risque fort de les énerver de plus en plus à mesure que la réélection de Nicolas Sarkozy en sera plus improbable. Les signes de la débandade vont alors se multiplier.

Comment gouverner avec une si faible légitimité ? Aux Etats-Unis, on parle de « canard boiteux » (lame duck) à propos des présidents en fin de deuxième mandat : ils ne sont pas rééligibles et tout le monde est déjà tourné vers la prochaine présidence. Une telle situation risque donc de prévaloir avant l’élection présidentielle de 2012. Ce ne serait assurément pas dramatique. En France, cette situation évoque en effet un autre cas de non rééligibilité qui caractérisait le président de la Seconde république, élu au suffrage universel à un seul mandat. Son titulaire, Louis Bonaparte, n’avait pas pu renoncer à s’installer au pouvoir par le coup d’Etat du 2 décembre 1851. On ne devrait pas pousser le parallèle historique tant il y a de différences entre la France du 19e siècle et celle d’aujourd’hui. A commencer par l’absence d’une armée coloniale qui serve de sabre. En conclurait-on que tout le monde est aujourd’hui viscéralement attaché à la République qu’on aurait encore plus tort. Il existe aussi des homologies de situation qu’il faut bien relever.

Comment sauver la réélection quand les choses se présentent aussi mal ? Les signes de réaction autoritaire se multiplient depuis les pressions sur la justice, sur les médias, les violations des lois sur le secret des sources journalistiques et autres intimidations qui visent immédiatement à maintenir l’obscurité sur toutes les affaires qui mettent le pouvoir en cause, mais qui, sur le long terme, nous font quitter l’Etat de droit. De Rubicon en Rubicon, on peut craindre pire si l’avenir électoral du pouvoir continue de se présenter aussi mal, c’est-à-dire de plus en plus mal.


[1TNS-Sofrès Le Figaro magazine, 4 novembre 2010 ; BVA-Orange-l’Express-France Inter, 19 octobre 2010 ; CSA -Le Parisien, 6 novembre 2010 ; Ifop-JDD, 24 octobre 2010 ; LH2-Nouvels.com, 29 septembre 2010.

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