observatoire des sondages

Vendredi 13 : les sondeurs et le goût du sang

mardi 24 novembre 2015

Après avoir « testé » le goût pour la dictature de sondés, rémunérés et paisiblement assis derrière leur écran d’ordinateur ou pendus à leur smartphone (cf. De belles questions pour promouvoir la dictature), l’Ifop, continue à s’amuser, comme ses concurrents avec les libertés publiques comme s’il s’agissait de yaourts (leur « cœur » de métier [1].

La tragédie du vendredi 13 s’est invitée dans le média-planning des sondeurs. De fait, sur les mesures à prendre pour lutter contre le terrorisme et la limitation des libertés censées assurer la sécurité le résultat est garanti « Tout le monde d’accord ». Et à gauche à comme à droite. (cf. Le Figaro, RTL, 18 novembre 2015. Dimanche-Ouest France, 22 novembre 2015). C’est donc sans surprise que le célèbre oxymore « sécurité-liberté » popularisé par Alain Peyrefitte dès 1980, emporte l’adhésion d’une majorité de sondés. Difficile d’échapper à l’émotion, la colère, la tristesse, la peur, etc. ? A la tienne tout d’abord et à celle des autres ? Sans doute.

(Ifop, Figaro, Rtl, 18 novembre 2015)

Un résultat d’autant plus facile à obtenir que le sondeur prend soigneusement le parti de ne pas souffler le moindre mot sur ces limitations de liberté pour « plus de sécurité ». Et quand il y consent la description, « sondage oblige », est tellement succincte que pour des questions aussi graves une telle désinvolture « intrigue ».

Mesure fortement inspirée des déclarations du secrétaire général de « les Républicains » Laurent Wauquiez [2] faites immédiatement après le drame, il est fort peu probable que la majorité des sondés aient les compétences requises pour se prononcer en connaissance de cause sur un sujet a fortiori fort « périlleux ». On peut même douter qu’ils aient lu l’article du Monde publié à la fin de l’été qui lui était consacré, rappelant entre autre que les personnes fichées S ne le savent pas, cette catégorie étant secret défense. Que leur expulsion, proposée par Marine Le Pen, reviendrait à expulser toutes les personnes mises sur écoute dans le cadre d’enquêtes sans rapport avec des activités terroristes, et last but not least qu’un « hooligan, un manifestant altermondialiste régulier ou un opposant actif à la construction de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes peut se retrouver fiché S au même titre qu’un combattant djihadiste connu par les services de renseignements de dizaines de pays » (cf. Le Monde 31 août 2015. Voir également sur la fiche « S » Sonder des ignorants, pourquoi ?)

Même son de cloche à Elabe, fondé par un ancien journaliste devenu sondeur et l’un des principaux fournisseurs de sondages de BFM-TV, qui se vante de trouver toujours quelque chose à dire (cf. Lapsus de sondeur : « notre métier : dire tout et n’importe quoi ») : « Toutes les mesures testées dans notre enquête sont approuvées par neuf personnes sur dix environ » (Elabe, BFM-TV, 19 novembre 2015).

On le sait il est illusoire d’escompter que les marchands d’opinions cessent de jouer avec la peur et la colère des sondés.


[1« Les sondages marketing » principal composant de leur chiffres d’affaires, de 90 à 95% et plus selon les majors.

[2Il proposait que « les personnes fichées soient placées dans des centres d’internement anti-terroristes spécifiquement dédiés » (AFP, 14 novembre 2015. Proposition retirée depuis face au tollé qu’elles ont suscité.

Lire aussi

  • Cluster17 contre le suffrage universel

    26 avril 2023

    Désavoué par la Commission des sondages puis par le Conseil d’Etat pour ses méthodes pour le moins peu orthodoxes, chassé des colonnes du magazine Marianne, qui l’avait un temps imprudemment accueilli (...)

  • L’avis d’un beauf

    27 octobre 2022

    Cyril Hanouna se distingue par une exceptionnelle vulgarité sur des chaines de télévision qui n’en manquent pas. A l’occasion d’un meurtre sordide d’une petite fille, exploitée politiquement par (...)