observatoire des sondages

Vieillesse et doxosophie : le double naufrage

dimanche 18 février 2018

Politologue-sondeur à la retraite, Roland Cayrol hante toujours autant les plateaux de télévision. Malgré le nombre d’années sa détermination à faire du café commerce la Maison des Sciences de l’Homme demeure intacte. En témoigne son ambition nomothétique affichée à l’émission C dans l’air, un exercice de doxosophie proprement phénoménal (17 février 2018 (France 5) [1].

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- Bruce Toussaint : Roland Cayrol, on dit souvent, par facilité peut-être, que c’est la préoccupation n°1 [pouvoir d’achat] des Français, enfin on le dit de l’emploi ou on le dit de la sécurité lorsqu’il y a des vagues d’attentats...

- Roland Cayrol : c’est plus simple que ça. Il y a une loi de l’opinion qui est que : quand ça va vraiment mal, que les gens craignent que la situation empire encore, c’est le chômage qui est en tête des préoccupations...

- Bruce Toussaint : bien sûr...

- Roland Cayrol : ... Les gens sont inquiets de ne plus en avoir, d’emploi, et ils sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants ou de leurs petits enfants. Et quand on a le sentiment que décidément ça ne va pas dans le pays : c’est le chômage qui est en tête des préoccupations. Lorsqu’on a le sentiment que ça va mieux - et on est dans une période comme celle là - les Français en ont douté pendant un certain temps, ils ont dit : « oh oui les experts ont l’air de dire ça va, moi j’y crois pas encore ». Maintenant ils sont entrés dans une période où ils ont le sentiment que ça va mieux, plus de croissance plus d’emplois et du coup ils se disent « hé moi là-dedans comment je m’en sors ! Je suis le lésé du système ». Et à ce moment là - et c’est toujours vrai c’est une loi de l’opinion - à ce moment là le pouvoir d’achat repasse en tête. Sondage que j’ai sous les yeux de Kantar Sofres de janvier : qu’est-ce qu’on attend en priorité du gouvernement : l’amélioration du pouvoir d’achat des Français (51%) est passé devant la baisse du chômage (43%), ou la diminution des impôts 40 ou le terrorisme (34%).


[1Le terme doxosophe, on parle plus communément d’interprète de l’opinion, désigne chez Platon un « technicien de l’opinion qui se croit savant », savant apparent de l’opinion, ou des apparences, comme le dit aussi Pierre Bourdieu, qui fait croire que le peuple parle, que le peuple ne cesse de parler sur tous les sujets importants, mais qui pose les problèmes de la politique dans les termes mêmes où se les posent les hommes d’affaires, les hommes politiques et les journalistes politiques (c’est à dire ceux qui commandent, payent, ou publient les sondages, cf. « Les doxosophes », Minuit, n° 1, novembre 1972)

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