L’opinion publique est hostile au cumul des mandats lit-on dans la presse. En l’occurrence, cette opinion révélée par les sondages est invoquée pour faire pression sur des élus nationaux, surtout les sénateurs, favorables au statu quo c’est-à-dire au cumul qu’ils pratiquent. Un nouveau sondage confirme, même s’il n’en est pas besoin, cette hostilité largement majoritaire et même massive. Selon un sondage TNS Sofres-Le Point-Association des Maires des Grandes Villes [1], 75 % des Français lui sont hostiles pour leur maire. Est-ce un bon argument ? Cette question est si peu posée qu’on devine la conception naïvement démocratique des commentateurs : si le peuple le demande… Et selon cette assimilation du sondage au vote, si la majorité veut, le verdict doit s’imposer. Si le vote est une procédure de décision avec son aspect conventionnel (la majorité), ce n’est pas le cas des sondages qui consistent à donner des avis dans des conditions qui, même si elles étaient fiables, mériteraient d’être interrogées. Autrement dit, pourquoi 75 % des Français sont-ils hostiles au cumul des mandats ?
On peut parfaitement imaginer qu’ils le soient pour de mauvaises raisons. Pour cette raison, certaines questions ne sont jamais posées par les sondeurs qui savent qu’ils obtiendraient des « horreurs ». Dans le cas du cumul des mandats, la réponse est en effet largement dans la question. Sans savoir leurs justifications puisque les sondages ne le leur demandent pas, il est aisé de deviner que certains sondés adhèrent aux arguments légitimes de la bonne représentation, de la critique du clientélisme, de la critique oligarchique, etc. mais que d’autres trouvent tout simplement que les cumulards gagnent trop d’argent, que ce sont des politiciens, qu’ils sont tous pourris, etc. Finalement, il y a bien une surprise dans ces sondages : comment peut-il exister encore autant de sondés (25 %) qui sont favorables au cumul des mandats ? Ce sont surtout les sondés des grandes villes où la connaissance personnelle du maire est plus rare et où le maire est surtout considéré sous l’angle de ses capacités gestionnaires et de ses ressources politiques alors que l’hostilité est plus fréquente dans les petites communes où chacun connaît son maire et se méfie de tout ce qui pourrait gêner la proximité. Comment se fait-il encore que si peu de sondés n’aient point d’opinion (0 % ). La vie démocratique se grandirait à ne pas invoquer de piètres arguments d’opinion.