Les pauvres sont-ils utiles à la société ?

Stupide, la question n’a pas été posée par un sondeur. Nous serions rassurés si une autre question – « Les riches sont-ils utiles à la société ? – n’avait été posée par l’IFOP pour le magazine Enjeux-Les Echos (7 février 2013) avec un titre plébiscitaire : « Pour 89 % des Français, les riches sont utiles à la société ». Seul un « dangereux gauchiste » pourrait voir un rapport avec l’identité des propriétaires de l’entreprise de sondage – Laurence Parisot, présidente du Medef – et de l’entreprise de presse – Bernard Arnault, première fortune de France et d’Europe, mais à son grand dam, pas (encore ?) du monde. Et disculper les journalistes au service de leur patron. On n’ose pas croire en effet qu’ils croient à ce qu’ils écrivent. S’agit-il d’une campagne de propagande contre les obstacles politiques à l’enrichissement, une pression fiscale dont on sait qu’elle est insoutenable ? S’agit-il d’une critique implicite d’un gouvernement de gauche ? A moins que le message soit beaucoup plus sensible, romantique même : les riches ont besoin d’être aimés. Savait-on, au sein de la rédaction de Libération, à quel point son titre « Casse-toi, riche con » avait ému Bernard Arnault. Le titre le plus cher de l’année 2012 : privés de pub. La richesse est le rêve de tous, insiste cet autre résultat massif : « 81 % des Français se déclarent enclins à rester dans l’Hexagone si la fortune leur sourit ». La fortune ? La richesse bien sûr. Qui se souvient encore que cela peut désigner autre chose ? Qui douterait aussi que ce soit l’objectif des jeunes générations dont Les Echos assure que, « plus inquiétant, un petit tiers des 18-24 ans envisagerait de s’expatrier ». La crainte du chômage ? On n’y avait pas pensé. Eux, peut-être. A moins que certains veuillent quitter un pays où l’on pose de telles questions.