observatoire des sondages

Les sondages et l’UMP

mardi 27 novembre 2012

La façon la plus évidente d’aborder les sondages dans une compétition électorale est de les comparer aux résultats. Comme cela a été fait pour les sondages sur l’élection du président de l’UMP. Ces sondages avaient la particularité de porter sur les sympathisants et non pas les adhérents faute de pouvoir atteindre un effectif représentatif de ces derniers. Du coup, il est une forte raison de ne pas confondre ces sondages avec une quelconque prédiction. Voila ce qui a été conclu, une fois de plus, de l’important écart entre les sondages jalonnant toute la campagne interne de l’UMP donnant une large avance à François Fillon et le résultat réel [1], si tant est qu’on puisse évaluer ainsi un scrutin manifestement entaché de fraudes. Il reste cependant que les deux concurrents ont fait sensiblement jeu égal. Après cet impair [2], à quoi bon persister ? Bien sûr, en plein psychodrame partisan, les sondeurs ont continué leur œuvre sur les mêmes bases puisqu’il n’en est pas d’autres possibles. Deux nouveaux sondages, réalisés tous les deux par internet (BVA-I>télé 23 novembre 2012, Ifop Jdd, 24 novembre 2012) nous ont donc informés des désirs supposés des Français et des sympathisants UMP, mais toujours pas des membres du parti UMP. Pour BVA, 52% des sympathisants UMP, soit un effectif de 256 personnes, souhaitaient que Jean François Copé conserve la présidence de l’UMP. Quant à l’IFOP, il n’indique pas la taille du sous échantillon sur lequel la responsabilité de la crise est imputée plus à Jean-François Copé qu’à François Fillon et sans qu’on puise expliquer l’écart de 10 points entre les deux sondeurs sur la popularité des deux adversaires. On est trop habitué à l’addiction sondagière pour s’étonner que les sondages se fassent indépendamment de toute pertinence.

Il est pourtant une autre façon d’aborder les sondages qui concerne non point leur performance mais leur performativité. Autrement dit, pourquoi insister à faire des sondages s’ils n’avaient quelque effet sur la compétition ? Or, en détachant un favori des sympathisants, autrement dit des électeurs, les sondages ont manifestement fait croire au favori et à son camp que la partie était largement jouée à leur profit. Il était en effet clair que le président du parti était choisi dans la perspective d’une future candidature présidentielle et que le mieux placé auprès des électeurs avait quelque chance de rallier les suffrages de militants, en tout cas ceux qui se focalisaient sur la prochaine élection présidentielle. Dès lors, cela laissait à son adversaire l’alternative de se faire le champion des militants dont on sait qu’ils sont plus investis que les sympathisants, plus à droite en l’espèce et dont les calculs sont plus focalisés sur les enjeux internes au parti. La confiance de l’un dans sa victoire et le handicap d’un rival distancé dans les seuls chiffres disponibles ont manifestement accentué un clivage habituel entre deux conceptions d’un parti politique : le parti d’élus et le partis de militants. On aurait donc tort de voir dans la surprise du résultat un épisode semblable à l’élection ivoirienne de 2010 quand Laurent Gbagbo avait récusé des résultats qui contrevenaient aux intentions de vote. On aurait encore plus tort de voir une lutte d’ego dans l’affrontement. Sans doute, l’écart important de François Fillon l’a-t-il poussé à mener une campagne tranquille quand au contraire Jean-François Copé forçait les feux pour remonter son handicap, sans doute cette pseudo prévisibilité a a-t-il aussi modéré la méfiance de François Fillon face à l’usage que son adversaire faisait de l’appareil UMP. Il apparaît par exemple étonnant que le licenciement du directeur juridique de l’UMP n’ait pas soulevé des protestations véhémentes. On ne reprochera donc pas aux sondages d’avoir accentué un affrontement artificiel comme des dirigeants de l’UMP l’ont clamé en invoquant « la famille » ou les personnalités. En l’occurrence, les chiffres n’ont pas révélé, au sens où ils nous auraient informé d’un rapport de forces, mais ont révélé par leurs effets concrets sur la violence de la compétition qu’il existait une profonde fracture entre un parti d’élus, tourné vers l’électorat, représentant une droite gouvernementale et légitimiste, et un parti de militants, d’une droite extrême prétendant tirer les profits de la droitisation, celle des militants avant celle des électeurs.


[1A deux jours du scrutin 67% de sondés par BVA se déclarant sympathisants UMP souhaitaient voir François Fillon présider l’UMP (I>télé, 16 novembre 2012). Lundi 19 novembre 2012, la Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales de l’UMP déclarait Jean-François Copé vainqueur avec 50,03% des voix (soit 98 voix d’avance), François Fillon revendiquant quant à lui la victoire avec 28 voix d’avance soit 50,01%, la Cocoe ayant oublié selon lui de comptabiliser le vote de certaines fédérations.

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