Sud Ouest Dimanche (26 avril 2009) publie un sondage effectué par l’IFOP les 23 et 24 avril où un échantillon représentatif de 854 personnes ont été interrogées par téléphone sur la question : « Si dimanche prochain avait lieu le premier tour de l’élection présidentielle, pour lequel des candidats suivants y aurait-il le plus de chances que vous votiez ? » L’Ifop proposait au choix des sondés… les candidats de l’élection de 2007, soit des futurs candidats certains (Nicolas Sarkozy, François Bayrou), des retraités de la politique (Arlette Laguiller) ou pré-retraités (Jean-Marie Le Pen) et donc des futurs non candidats et enfin des candidats très hypothétiques (Ségolène Royal et presque tous les autres). L’IFOP ne proposait évidemment pas des candidats dont nous ne connaissons pas le nom. En somme, nous avons affaire à un sondage hybride, post électoral de fait avec une visée pré-électorale.
Le commentaire journalistique discute très sérieusement cette opération qui ressemble à un jeu de société. Les sondages sur les intentions de vote sont toujours problématiques puisqu’ils qui demandent à des gens de se mettre dans une situation dans laquelle ils ne sont pas. La notion même d’« intention de vote » est récusée par les scientifiques sauf à proximité immédiate d’un scrutin (non sans prudence) mais d’autant plus qu’elle intervient en dehors de tout contexte électoral et surtout si elle intervient plusieurs années avant le scrutin. Le sondage produit alors un artefact. Au diable ces élémentaires principes épistémologiques quand l’article est intitulé « Sarkozy toujours en tête ». La critique de la vision sondagière de la politique comme une course de chevaux trouve ici une illustration de plus. Les conjectures politologiques nourries par ce sondage hybride seront de toutes façons vite oubliées.
Il est plus intéressant de remarquer que des réactions d’internautes accompagnent l’article (précisément 5) qui discutent les résultats et accordent donc un crédit au sondage. Une dépêche de l’AFP ayant cité le sondage le samedi 25 avril donnait ainsi une raison de la commande de sondages absurdes : faire parler du sondeur et de son commanditaire. Les réactions des internautes sur le forum du site Orange (23 au bout d’une heure) marquaient une réaction fort différente : la plupart critiquaient le sens d’une telle opération. La lucidité de ces internautes est encourageante. Combien furent-ils à refuser de répondre à l’IFOP ? Quant à ceux qui ont répondu à une question absurde, on s’inquiète moins pour eux que pour la représentativité de sondages qui sélectionnent forcément un public acritique.