Il est une nouvelle façon d’alimenter les spéculations politiques : publier un sondage.
Le rachat en décembre dernier par Bernard Tapie de quatres quotidiens régionaux du Groupe Hersant Media (La Provence, Corse Matin, Nice Matin, Var Matin) a suscité parmi la classe politique marseillaise des interrogations sur les ambitions de l’homme d’affaires, et des inquiétudes chez les journalistes locaux qui n’ont pas oublié son attitude générale à l’égard de la presse [1]. Du pain béni pour les sondeurs... et la presse parisienne.
A partir du même sondage BVA, Le Parisien titrait : « Les Marseillais veulent Bernard Tapie » ; Le Monde : « 40% des Marseillais veulent Bernard tapie à la mairie », et La Provence : « 40% de sondés voterait pour Bernard Tapie » (Le Parisien, Le Monde, La Provence, 22 février 2013).
En fait de Marseillais, il s’agissait de 240 personnes affirmant qu’elles pourraient voter pour ce dernier s’il se présentait. Peu importe que le premier intéressé ait assuré ne pas vouloir être candidat (un sujet de divorce) peu importe que l’échéance ne soit pas proche (à plus d’un an des élections municipales) et que l’on ne sache pas si les sondés sont inscrits sur les listes électorales.
L’invitation à la prudence sonnait d’ailleurs presque comme un aveu : « ce potentiel de vote ne doit pas être confondu avec des intentions de vote » (La Provence, 22 février 2013.) assurait le sondeur que tout le monde n’aura pas compris. Les prétendants à la mairie pour commencer, le député Guy Teissier : « Je m’interroge sur la capacité d’oubli de la nature humaine ». Eugène Caselli, le président PS de la communauté urbaine MPM : « Ce sondage ne me surprend qu’à demi, tant son image est incontestablement forte. Mais cela ne vaut pas certitude électorale ».
Le lendemain le JDD publiait un sondage d’intentions de vote créditant Bernard Tapie de 13% de voix, au titre doublement sensationnel : « Marseille : Gaudin en difficulté, le flop de Tapie » (Ifop-Fiducial-Jdd, 23 février 2013). L’enquête n’avait rien à envié à la précédente, représentativité douteuse (échantillon réduit de 701 internautes) hypothèses des candidatures spéculatives, absence d’absention, etc. Il n’est pas sûr que le JDD ait bien mesuré sa mise en garde : « Si Bernard Tapie cherchait encore une raison pour abandonner toute envie de revenir en politique, il la tient avec notre sondage » (JDD, 23 février 2013). Couper l’envie politique, une affaire de mauvais sondages ou de sondages tout court ? Avec une belle économie : les élections sont-elles encore utiles ?