Les critiques des sondages, tout universitaires qu’ils soient, ont l’habitude d’être qualifiés d’incompétents par les sondeurs. C’est de bonne guerre quand le gagne pain et le pouvoir de ces derniers sont attaqués. D’ailleurs, les critiques des sondages ont reçu, à l’inverse et à l’avance, des compliments (« votre travail est très intéressant ») tant qu’ils paraissent « fréquentables ». Sinon, ils deviennent « incompétents ». Cela trompe-t-il quelques uns ? Probablement. La science n’a plus le même crédit qu’autrefois. Encore un effet du régime d’opinion, largement favorisé par la prolifération des sondages, qui fait qu’on peut dire tout et son contraire puisque tout est relatif et que toutes les opinions sont censées se valoir.
L’affaire de l’Opinion Gate en fournit un nouvel exemple avec l’entrée en scène des dirigeants politiques. Sous la pression des révélations du rapport de la Cour des Comptes, Claude Guéant, secrétaire général de la présidence de la République, et Frédéric Lefebvre, porte parole de l’UMP, ont traité les critiques d’incompétents. Sans doute visaient-ils leurs collègues politiciens... Les scientifiques critiques des sondages apprécieront pourtant l’apparition de ces deux nouveaux épistémologues venant d’horizons très éloignés de la science. On ne connait d’ailleurs pas les publications qui leur donnent quelques titres à intervenir sur le sujet. Chacun a bien compris que l’invective relève d’une forme dévaluée de la politique qui consiste à sauver les meubles, à produire un rideau de fumée ou simplement à dire n’importe quoi pour dire quelque chose. Le culot est plus que jamais une ficelle du métier.