La réforme avortée de la législation sur les sondages est devenue une réforme impossible. A supposer qu’ils le veuillent, les dirigeants ne peuvent plus changer la législation. Impopulaires, on les accuserait de tricher en voulant supprimer une mesure impitoyable. Même s’ils ne peuvent pas battre toujours les records d’impopularité dont se gaussent aujourd’hui les médias - les records ont une limite arithmétique - on voit mal comment les gouvernants actuels y échapperaient. Et si notre hypothèse d’une impopularité structurelle des gouvernants s’avère exacte, les dirigeants futurs, quels qu’ils soient, seront impopulaires. Ils ne pourront donc pas légiférer sans être accusés de tricher. De quoi méditer sur l’impuissance politique.
Les sondeurs ont de quoi se réjouir : ils ont pris en otages les politiques, qui ne savent plus faire de la politique sans sondages et ne peuvent plus changer les règles du jeu. Ils auraient tort d’avoir des scrupules méthodologiques. Ils continueront donc à interroger sur tous les sujets de plus en plus vite. Ils ne se réjouissent pourtant pas complètement car ils savent leur impopularité. Oui, eux aussi. A-t-on remarqué comment ils préfèrent aujourd’hui parler d’enquête d’opinion plutôt que de sondages. Le mot résonne donc mal. Dans l’incapacité politique des gouvernants, c’est donc aux citoyens de faire un bon usage des sondages. Leur discrédit est un bon début. Encore faut-il qu’il soit bien fondé.