observatoire des sondages

Le vote Front National aux élections régionales : quelle surprise ?

jeudi 25 mars 2010

Tous les médias l’ont dit : la montée du vote Front national a été la surprise du premier tour des élections régionales de mars 2010. Quelle surprise ? Les listes du FN ont obtenu 11,6 % des suffrages exprimés. En un temps ancien de l’analyse de scrutin où l’on comparaît une élection à une autre de même nature, le verdict aurait été dressé à partir de la comparaison avec les élections régionales de 2004. Alors, les listes du Front National avaient obtenu 14,7 % de suffrages exprimés. En un temps où l’on jugeait aussi du résultat en fonction du nombre de sièges obtenus – ce que les partis font d’ailleurs encore pertinemment – on aurait compté le nombre de sièges conquis. En 2004, le FN avait remporté 156 sièges de conseiller régional contre 118 sièges en 2010. A ces deux points de vue, il y a donc eu un recul du FN et il ne peut donc y avoir de surprise devant un quelconque retour du FN puisqu’il n’existe pas. On devine que la comparaison a été faite contre tout principe méthodologique avec le dernier scrutin en date, l’élection européenne de 2009 où le FN avait obtenu seulement 6,34 % des suffrages exprimés. Un score qui confortait ceux qui avaient répété que, décidément, Nicolas Sarkozy avait ponctionné les voix du FN. Un score qui voulait dire, selon ses partisans, que le phénomène était durable. Un souhait plus qu’un fait mais qu’importent les preuves en politique. Tant pis aussi si les 11,42 % des listes du FN en 2010 ne dépassent que de 1 % le score du chef du FN au premier tour de l’élection de 2007. Il est si bon de continuer à croire.

Alors, où les commentateurs ont-ils vu la surprise ? Comme d’habitude depuis 1984 lorsqu’il est question des résultats électoraux du FN, ils l’ont trouvée dans les sondages. Ce sont eux qui sous-estimaient ses scores. Le 12 mars, les derniers sondages sur les intentions de vote donnaient environ 9 % des votes au FN (8,5 % pour TNS Sofres, 9,5 pour Opinionway, 9,5 % pour CSA Opinion) : une sous-estimation de 2 à 3% à l’échelle nationale mais des écarts beaucoup plus grands dans certains régions comme dans la région PACA où la liste de Jean-Marie Le Pen était annoncée avec près de 10 points au dessous de son score. Définition d’une surprise électorale dans le commentaire journalistique ? Les sondeurs se sont trompés. On dit bien les sondeurs car concernant le FN, dont on sait combien les sondés sous déclarent le vote, il faut considérablement réévaluer les intentions de vote en sa faveur (plus de deux fois). Les scores du FN sont donc fortement redressés. En somme, une fois de plus, les sondeurs n’ont pas suffisamment redressé. Sauf en 2007 quand, à force de se tromper dans le même sens, ils ont trop redressé le score du Jean-Marie Le Pen. Créant, il est vrai, une autre surprise… Vaillamment, depuis plus de deux décennies, ils ménagent ainsi une surprise à leurs complices journalistes. La recette est bonne : une surprise à chaque élection – il en faut bien une pour ménager l’intérêt – à condition toutefois que l’amnésie soit au rendez-vous. Elle est bien une caractéristique de notre époque. Ajoutera-t-on que le wishfull thinking en est une autre avec des commentateurs dépourvus de toute méthode qui relaient d’autant mieux les sottises des politologues médiatiques qu’elles leur font plaisir.

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