Extraits choisis de l’émission 7/10 du 25 juin 2009 de France Inter, animée par Nicolas Demorand.
Invités Roland Cayrol et Stéphane Rozès (tous deux anciens directeurs généraux de CSA)
Jean Marc (auditeur) : Bonjour Nicolas, Bonjour à vos invités ! J’aimerais que vos invités nous disent comment a été perçu par les Français le royal congrès de Versailles qui a réuni 900 députés et sénateurs, qui a mobilisé des centaines de policiers, qui a couté 10 000 euros par minute pour entendre le président dire qu’il allait lancer un emprunt national qui va encore je pense aggraver la dette de l’Etat. Merci à vous.
Nicolas Demorand (France Inter) : Merci Jean-Marc pour cette question, Stéphane Rozès, comment un discours de ce genre a pu être perçu ? Avez-vous des outils pour le dire ?
Stéphane Rozès : Oui, pour partie en tout cas. Le sondage ce matin CSA [1] donne une indication environ 38% qui sont favorables à ce qui s’est passé sur la séquence, enfin l’interrogation c’est sur le remaniement mais on comprend bien que c’est l’ensemble de la séquence, 30% opposés, le reste abstention, c’est à dire finalement l’attitude du pays c’est on regarde parce qu’on est en attente de façon décisive puisqu’il y a un capitaine dans le bateau et ça c’est un élément positif, c’est une condition nécessaire dans la tempête et à la fois on est décontenancé, on n’arrive pas à voir les cohérences...
- Précisons que ce sondage porte exclusivement sur le remaniement ministériel effectué le 23 juin 2009. Aucune question relative au discours prononcé par Nicolas Sarkozy devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, le 22 juin 2009, n’y figure. Cela n’empêche nullement cependant les pensées de nos deux sondeurs de service de continuer de « vagabonder » et ce dans la plus pure tradition du commentaire sondagier qui veut que : tout sondeur doit savoir sonder sans sondage [2] ou se lancer dans la broderie sans fil ni aiguille.
(...) il y a eu il me semble une inflexion lors de ce congrès, ça été rendu plus facile, ça faisait un certain temps que l’opinion le demandait, ses conseillers le demandaient mais comme psychologiquement c’est compliqué pour Nicolas Sarkozy de donner le sentiment qu’il écoute le pays, qu’il n’est pas maître de ce qu’il fait, sa victoire aux régionales (Lapsus ? erreur du moins de Stéphane Rozès, il pense certainement aux européennes qui viennent d’avoir lieu) ça peut, Roland Cayrol a raison, il peut tout à fait dans quinze jours rechanger un tout petit peu les équilibres. Donc qu’en ont retenu les Français, hé bien l’emprunt c’est une vision assez traditionnelle des politiques économiques, assez ancienne, c’est l’idée d’un Etat, qui un Etat en cohérence avec un modèle social français, mais encore une fois les réformes prises une à une sont plutôt des réformes qui au nom de l’efficacité du même modèle social appelle son retrait, donc toute la problématique de Nicolas Sarkozy c’est de ne pas se laisser enferrer, c’est d’avoir les mains libres, il est vrai que la période appelle cette grande agilité, Roland Cayrol l’a dit avec une équipe très resserrée qui doit être discrète et collective.
Nicolas Demorand : Roland Cayrol ?
Roland Cayrol : les réactions de notre ami auditeur par rapport aux pompes et aux fastes déployées par la République ça existe dans l’opinion. Pardon de vous dire que ce n’est pas majoritaire. La plupart des gens, au fond, dans ce pays respectent les institutions et ils aiment bien les voir fonctionner. Et on ne met pas d’abord en avant le fait que cela coûte cher, mais le fait que voilà ça marche, même le fait que les socialistes aient fini par aller au congrès de Versailles ça a vraiment plu aux gens, que ces gens là discutent, ils sont élus pour ça et pas pour se chamailler. La véritable inquiétude qu’on sent chez les Français, sur fond, bien sûr, de crise et d’angoisse sur l’emploi, c’est plutôt est-ce que le pouvoir a une vraie efficacité sur ce que nous vivons, vous savez la difficulté de gouverner c’est ça, c’est que dès l’instant où un président dit quelque chose, un premier ministre dit quelque chose, un ministre dit quelques chose, la réaction première de l’opinion c’est : « heuu…faut voir, ouais je demande à voir, il a peut-être raison ça me paraît bien comme mesure annoncée est-ce que tout ça va avoir la moindre efficacité sur moi sur mes gosses, sur mes proches ».
Thomas Legrand (France Inter) : est-ce que le président avant et après son discours a utilisé des sondages ou des enquêtes qualitatives que vous ou d’autres instituts de sondages sur des points précis avez faits ?
Roland Cayrol : est-ce que vous demanderiez à un conducteur de voiture dans Paris s’il utilise son tableau de bord ? Ce sont des questions qui vont de soi cher ami !
Nicolas Demorand : la réponse est oui ?
Roland Cayrol : la réponse est forcément oui !
Thomas Legrand : A quel point ?
Roland Cayrol : ...au point habituel de la vie politique française, c’est à dire beaucoup...(...) c’est le B.A.-ba du gouvernement des choses et des gens. Dès l’instant où vous pouvez avoir un tableau de bord qui vous dit les réactions possibles à un certain nombre de choses, de phrases que vous pourriez dire, pourquoi ne pas s’en servir ? Ce qu’il faut évidemment éviter c’est prendre ensuite ce tableau de bord pour le volant et le frein. Il faut ensuite savoir comment on conduit, mais bien sûr on ne va pas se priver des outils du tableau de bord.
Stéphane Rozès : dans ce genre de situation évidemment le président, et sans doute plus avec Nicolas Sarkozy, puisque, c’est normal, le pouvoir est recentré à l’Elysée, le pouvoir utilise des études qualitatives, quantitatives. Mais la vraie question n’est pas : est-ce que ces études existent ? Bien sûr elles existent. Elles analysent la situation, et point par point ensuite, le professionnel fait des préconisations. La vraie question est : est-ce que c’est utilisé et comment c’est utilisé ? Est-ce utilisé stratégiquement ? C’est très rare : qu’est-ce qu’il faut faire ? C’est en général utilisé éventuellement tactiquement, et en terme de communication.
(...) Les français pensent à tort que la raison essentielle qui explique que les gouvernants ne soient pas à la hauteur des attentes c’est qu’ils ne comprennent pas les Français. Et selon les Français s’ils ne les comprennent pas c’est qu’ils ne leur ressemblent pas, et donc les Français font un petit mélange entre la représentation et la représentativité ils se disent : les gouvernants doivent nous ressembler et donc il est bien normal que la diversité de la société française, au delà de la question du sort réservé aux femmes. C’est la diversité en terme de genre, en terme de nouvelle génération, en terme social et en terme d’origine ethnique et d’ailleurs sur la questions de la diversité culturelle il y a deux nouvelles arrivées dans le gouvernement.
A suivre !