Face à la généralisation des questionnaires en ligne présents sur la plupart des sites internet des organes de presse, proposés fréquemment en conclusion d’un article comme le fait, par exemple, le quotidien Le Monde, l’Observatoire a mené une petite expérience visant à évaluer la rigueur méthodologique de ces sondages particuliers. Son attention s’est portée plus précisément sur les précautions mises en œuvre par 5 sites (lemonde.fr ; expression-publique.com ; lefigaro.fr, lexpress.fr et publicsenat.fr) pour éviter le bourrage des urnes, ou pour le dire autrement les réponses ou les votes multiples par un même lecteur internaute. Nous vous livrons ici le résultat de cet exercice ainsi que les éléments nécessaires, si vous le souhaitez, à sa reproduction.
Protocole de la falsification
Le choix du logiciel de navigation importe peu. Cependant pour une expérience pleinement réussie il est recommandé d’utiliser, comme nous l’avons fait, simultanément ou non, au moins deux navigateurs différents (par exemple Internet Explorer et Firefox). L’utilisation de plusieurs navigateurs n’est destinée qu’à rendre plus importante, mais aussi plus agréable, l’opération de falsification. Plus les connections au site choisi sont effectuées avec un nombre croissant de navigateurs différents, plus l’enchaînement des opérations de vote ou de réponse au questionnaire s’effectue de façon continue, en limitant le plus possible les opérations de réinitialisation des navigateurs et celles de reconnection au site. Tout site web visité implémente en effet des cookies dans les "mémoires" de l’ordinateur de l’internaute visiteur. Ces cookies empêchent, dans ce cas, les opérations de vote à répétition. Si vous optez, comme l’Observatoire, pour Internet Explorer et Firefox, le nettoyage en profondeur de chaque navigateur et plus généralement de votre ordinateur (effacement des cookies, de la mémoire cache, de l’historique de navigation, etc.) nécessite l’installation du module complémentaire better-privacy pour Firefox. Ce module supprime automatiquement ou sur demande des « super-cookies » qui résistent aux procédures classiques de suppression présentes par défaut sur les navigateurs (notamment sur Internet Explorer). Une fois le module installé, vous êtes fin prêt pour un exercice sans limite et sans contrainte de votre « e-citoyenneté ». Il vous suffit pour cela de nettoyer après chaque vote votre navigateur après l’avoir déconnecté du site pour pouvoir recommencer l’opération.
Résultat
Le résultat du test est sans appel, puisque aucun des sites testés ne dispose d’une quelconque protection pour prévenir sérieusement ou empêcher les votes multiples. Cette légèreté n’est cependant pas une réelle surprise, même si elle peut prêter à moquerie ou à critique, lorsqu’elle émane d’un organe de presse plus intéressé sans doute par le nombre de clics généré par les visites d’internautes, recettes publicitaires incidentes obligent, que par le respect de canons méthodologiques de recueil d’informations. Cette faille est plus cocasse lorsqu’elle provient d’une chaîne de télévision émanant elle-même d’une institution parlementaire comme le Sénat français.
Suggestions
Les résultats de la consultation du jour lancé par la chaîne de télévision Public Sénat ne conviennent pas à votre humeur ?
Vous estimez que les citoyens internautes de l’Express.fr (cf. la rubrique votre avis 5/01/2009) sont trop aimables à l’endroit de Yannick Noah ?
Bref, vous êtes d’humeur badine, vous pouvez maintenant répondre ou voter autant de fois que vous le souhaitez. Et si par ailleurs vous souhaitez éprouver, voire même défier les belles assurances méthodologiques du directeur d’expression-publique partenaire du journal Le Monde [1], c’est également chose possible. Car le nouveau slogan de l’e-démocratie n’est pas « un homme une voix » mais « un internaute plusieurs voix ».