Le chiffre est tombé comme un couperet, la chute de popularité de François Hollande a baissé de 11 points d’un seul coup. Telle était la principale « information » du week end dernier. Chiffre « sans appel » (Le Parisien, 23 septembre 2012). Un record ajoutait « le politologue » Frédéric Dabi, directeur du pôle opinion de l’Ifop : « Seuls Charles de Gaulle, en juin 1962, après les accords d’Evian, et Jacques Chirac, en juin 2005, après l’échec du référendum sur le traité constitutionnel, ont enregistré une baisse plus importante que François Hollande avec respectivement - 13 points et -12 points ».
Cette remarque mérite en effet qu’on s’y arrête. Le baromètre de l’Ifop existe depuis 1958 et son record de baisse suit l’événement le plus important de la 5e République. Qui pourrait ne pas saluer la fin de la guerre d’Algérie, l’indépendance algérienne, le courage et la lucidité du général de Gaulle. Il est toujours possible de critiquer les modalités ou la lenteur du processus. Simplement, personne d’autre ne l’avait fait. Et c’est donc cet événement positif par excellence qui « détient » le record de baisse de popularité pour son auteur. C’est dire la stupidité de l’instrument de mesure.
On ne peut s’attendre à ce qu’un sondeur ait un commencement d’esprit critique sur son travail. Du moins pas jusqu’à relever qu’il est stupide. Par contre, on pourrait l’attendre des commentateurs politiques. Or, la presse a repris massivement le propos du sondeur, comme d’habitude, selon ce réflexe de psittacisme bien établi aujourd’hui entre sondeurs et journalistes. Du moins beaucoup trop d’entre eux. Sans sourciller, les médias ont donc repris la référence aux accords d’Evian. Petite liste non exhaustive : Le Nouvel Observateur, Le Point, La Tribune, Metro, Les Echos, Le Parisien, Le Télégramme, Paris Normandie, La Dépêche du Midi, Grazia, Ouest France, Le Midi Libre, 20 minutes, RFI, France Info, La Croix, Le Monde.fr et aurions nous dû commencer par, car c’est le nœud de la contamination, en l’occurrence de la répétition, l’AFP. Sans doute quelques uns ont-ils senti que la référence aux accords d’Evian clochait, ils l’ont donc édulcoré comme Les Inrocks évoquant les « faits de guerre en Algérie », Reuters, Le Monde (papier) ou France Inter qui n’ont pas fait référence à de Gaulle. L’esprit critique ne se cultive donc guère dans les salles de rédaction. Sur fonds de crise du journalisme, il faut croire que l’on y travaille trop et que, d’épuisement, on n’y ait plus l’esprit suffisamment éveillé pour s’étonner.